V 1 à 11 : tentation de Jésus dans le désert
Officiellement introduit par Dieu
dans son ministère public, Jésus, nouvel Adam, est immédiatement mis à
l’épreuve. Il fallait, pour être le sauveur qualifié des hommes, qu’il soit placé
dans la condition originelle de leur père. L’Esprit conduisit donc Jésus dans
la solitude du désert pour y être tenté par le diable. La tentation à laquelle
Jésus est exposé n’est pas de son chef. Elle n’a pas pour but de montrer sa
force et de l’en faire sortir en héros. Elle est l’expression de la volonté de
Dieu pour lui. Elle a comme objet de manifester sa pleine soumission et
dépendance à l’égard de son Père. C’est par l’usage des armes spirituelles que
Jésus vaincra, non par la puissance de sa détermination propre. Le lieu où se
déroule le combat est caché aux yeux de tous. Jésus est ici livré en spectacle
aux anges, mais dissimulé aux regards des hommes. Le combat se livre sous l’arbitrage
de Dieu et l’adversaire de Jésus est clairement désigné. Il est le diable, le
serpent ancien, le vainqueur de l’Eden. Ce face à face entre Jésus et lui nous
rappelle qui est l’ennemi ultime de l’humanité. Si le diable n’est vaincu, il
n’y a pas de salut pour elle. Tout le ministère de Jésus s’inscrit désormais
dans cette lutte. Apprenons de lui sur la façon de la mener !
Jésus est soumis dans le désert à
une condition physique que ne connut pas Adam. Celui-ci, au moment où il fut
tenté, était dans un lieu d’abondance où il ne manquait de rien. Il lui
suffisait de tendre la main pour se nourrir et se rassasier. Il avait à ses
côtés sa femme qui était sa partenaire. Jésus est seul, soumis à l’épreuve du
jeûne et de la faim pendant 40 jours et 40 nuits. Il est dans un état de
faiblesse physique qui le rend vulnérable. Ses défenses naturelles ne lui sont
plus d’aucune aide. C’est lorsque la faim le tenaille que le diable choisit de
s’approcher de lui pour le tenter.
1ère tentation
Le diable sait très bien qui est
Jésus. Il sait qu’il a face à lui le Fils éternel et unique de Dieu. Il agit
pourtant envers lui comme si son identité divine n’était pas certaine. Il le
sollicite pour qu’il prouve par un premier miracle qu’il est bien ce qu’il est.
Le but de Satan ne correspond en rien cependant à ce qu’il demande à Jésus de
prouver. Ce qu’il désire, c’est pousser Jésus à agir de manière autonome vis-à-vis
de son Père. Il sait que c’est en cela que réside l’essence même du péché qui,
jadis, l’a fait chuter. Il utilise la faiblesse de Jésus comme point d’appui à
la pression qu’il exerce sur lui. La première tentation, liée au besoin humain
de Jésus de se nourrir, échouera. Jésus n’écoute ni le diable, ni son corps qui
le presse de manger au plus vite. Citant une parole du Deutéronome : Deutéronome 8,3, il réaffirme le cadre dans lequel il
prend ses décisions. Oui ! Comme les autres humains, Jésus a besoin de
pain pour vivre. Mais il y a une autre nourriture plus fondamentale pour lui
que les aliments de base. C’est ce que dit Dieu dans sa Parole. Jésus ne fera
rien d’autre de sa vie que ce que Dieu lui ordonnera. La fermeté de Jésus ferme
la bouche de Satan. Pour autant, il n’abandonne pas le combat.
2ème tentation
Cadre de la 1ère
tentation, le désert ne l’est plus pour la seconde. Par un effet de son
pouvoir, le diable transporte Jésus à Jérusalem et le place sur le sommet du
temple. Bien qu’étrange, cette possibilité qui est donnée à Satan de
« manipuler » Jésus de la sorte, reste encadrée par l’Esprit de Dieu.
Même si l’apparence pourrait nous le faire croire, Jésus n’est pas ici le jouet
du diable. Satan peut agir sur son corps ou sur son imagination, mais il ne
peut fléchir son esprit. Pour des raisons que Dieu seul connaît, il arrive que
des serviteurs de Dieu soient éprouvés dans leur être au-delà de l’explicable.
Traversés par des pensées iniques de toutes sortes, ils sont jetés dans une
confusion qui les désoriente. Qu’ils se rassurent ! Le diable n’a pas tout
pouvoir sur eux. Il peut troubler et agiter leur être, mais il ne peut le
détacher de Dieu. Ce qui est vrai n’est pas ce qui les tourmente, mais ce que
Dieu dit qu’ils sont : des fils et des filles de Dieu.
En réponse à sa première
proposition, Satan a vu que Jésus s’est défendu par une citation de la Parole
de Dieu. Il va donc lui aussi se placer sur ce terrain pour tenter de le faire
chuter. Citant une parole du psaume 91 : Psaume
91,11-12, il incite Jésus à se jeter du haut du temple pour faire la
démonstration de la protection de Dieu sur sa vie. La mise en scène du diable
ne marchera pas. Jésus ne se départira pas de sa façon d’agir. La Parole de
Dieu va rester son arme de prédilection pour lui répondre. La mauvaise
utilisation que le diable en fait ne la rend pas caduque. La Parole de Dieu est
un tel arsenal qu’elle fournit pour chaque situation les défenses appropriées. Elle
est la vérité et, en tant que telle, elle a le pouvoir de détruire le mensonge.
Satan a voulu monter de toutes pièces une situation artificielle pour tenter
Jésus. Il s’est servi de la Parole comme d’un cachet d’authenticité pour
certifier la validité de sa proposition. Mais Jésus le reconduit dans le réel.
La Parole ne peut se contredire. Si la citation de l’un de ses versets va à
contre-sens d’un autre, la faute ne revient pas à l’Ecriture, mais au sens
tordu qu’on lui donne. Jésus cite de nouveau le Deutéronome : Deutéronome 6,16, passage antérieur à celui utilisé
par le malin, pour fixer le cadre dans lequel la promesse faite dans les
psaumes s’applique. Oui ! Dieu protège ses élus. Mais sa protection
s’exerce envers ceux qui lui sont dociles, non dans la situation où ils le
provoquent. Satan est rusé, mais c’est un mauvais exégète. Une nouvelle fois,
Jésus le désarme.
3ème tentation
Il y a une nette graduation dans
les propositions que fait le diable à Jésus pour le tenter. Dans la 1ère
tentation, Satan utilise la faim que ressent Jésus pour l’inciter à agir de son
propre chef pour se nourrir. Il se sert des besoins physiques de Jésus pour le
faire chuter. Dans la seconde, le Malin cherche à le pousser à faire un mauvais
usage de la Parole de Dieu. Il monte une mise en scène dans laquelle Jésus joue
le rôle d’un superman à qui rien de fâcheux n’arrive. Le but est de détourner
la faveur dont Jésus est l’objet de la part de son Père pour qu’elle serve à sa
propre gloire. Ici, nous passons à un degré nettement supérieur. Satan ayant
échoué lors des deux précédentes tentatives, il joue maintenant son va-tout.
De nouveau transporté par le
diable, Jésus se retrouve sur une montagne très élevée d’où il jouit d’une vue
imprenable. Le site n’est pas choisi au hasard. Il correspond à la position de
domination qui est celle du Malin sur le monde. Sous ses pieds s’étalent les
royaumes du monde dans leur gloire et leur puissance. Face à Jésus, il en
revendique la propriété. Connaissant qui il a face à lui, Satan ne va pas se
montrer petit joueur. Il peut exercer son autorité sur tous les empires : si
Jésus n’est pas de son côté, il lui manque l’essentiel. Sa décision est prise.
Il est prêt, dit-il à Jésus, à lui céder la gestion du monde entier à une
condition : que Jésus se prosterne devant lui et l’adore. Nous ne sommes
plus ici dans le factice, mais bien dans le réel. Dans son audace, le diable
est allé trop loin. Jésus lui ordonne de se retirer sur le champ. Citant à
nouveau le Deutéronome : Deutéronome 6,13,
Jésus réaffirme à qui revient sa seule allégeance. Le lien d’adoration qui
l’unit à son Père n’est ni achetable, ni négociable. Aucun don, aucune cession
d’aucune sorte ne saurait rivaliser avec le bonheur de la communion avec Dieu. Les
plus hautes propositions du diable sont méprisables en comparaison de la richesse
dont le Fils jouit dans son intimité avec le Père.
En proposant à Jésus tout ce
qu’il a en échange de son adoration, le diable révèle ce qui est l’enjeu de
l’existence de l’humanité. Qui l’humanité va-t-elle adorer ? Vers qui va
s’orienter sa fascination, son émerveillement, son admiration la plus
haute ? L’être humain n’a pas sa fin en lui-même. Il a été créé pour être
un adorateur : cf Jean 4,23. Aussi, parce
qu’il est fait pour la passion, ne peut-il faire autrement que d’être subjugué
par plus grand que lui. Qui va en être l’objet ? In fine, la tentation à
laquelle Jésus est exposée témoigne que celui-ci se résume à un choix entre
deux êtres : Dieu ou Satan. Heureux celui dont le cœur aime Dieu
par-dessus tout !
La façon avec laquelle Jésus
s’est défendu à chaque assaut du diable est didactique pour nous. Elle nous
enseigne que, dans le combat spirituel, la Parole de Dieu est notre arme
vitale. Elle est, dit Paul, l’épée de l’Esprit : Ephésiens
6,17. « Il est écrit ! » et le diable recule une 1ère
fois ; « Il est écrit ! » et le diable recule une seconde
fois ; « Il est écrit ! » et le diable se retire.[1]
Débarrassé de la compagnie du diable, Jésus fut aussitôt assisté par les
anges qui s’empressèrent de le servir. Que firent-ils ? L’Evangile ne nous
le dit pas. Sans doute, comme autrefois pour Elie : 1 Rois 19,5, s’occupèrent-ils des besoins immédiats du
Seigneur : nourriture, restauration des forces… Ayant passé le test de l’obéissance,
Jésus est désormais prêt pour le service. Il n’est pas pour autant quitte avec
le diable. Son éloignement n’est que provisoire. Toujours à l’affût, il va guetter
les occasions futures favorables pour faire trébucher le Seigneur : Luc 4,13.
V 12 à 16 :
Jésus à Capernaüm
Suite à l’arrestation de Jean, Jésus
quitta la Judée pour la Galilée. Le choix qui guida le Fils de Dieu n’avait pas
pour motif la crainte. La vie de Jésus n’était pas entre ses mains, mais dans
celles du Père. Personne n’avait le pouvoir de toucher à un seul de ses cheveux
si celui-ci ne le lui permettait. Jésus agît dans la circonstance avec sagesse
et intelligence. Le temps viendrait où lui aussi serait arrêté. Pour l’heure,
il avait un témoignage à rendre. Et il ne servait à rien, par crânerie, de s’exposer
inutilement au danger.
Le déplacement de Jésus en
Galilée fut pour ses habitants une faveur divine. La Judée le perdait, mais ce
fut, pour la Galilée, un gain considérable. La décision de Jésus ne relevait seulement
du bon sens. Elle était la réalisation d’une prophétie d’Esaïe, annonçant la
venue de la lumière divine dans ce territoire opaque : Esaïe 8,23 à 9,1. Sans Jésus, le monde est livré aux
ténèbres. Par sa présence, tout s’éclaire. Il y a beaucoup à perdre pour l’homme
lorsqu’il chasse Jésus du lieu où il se trouve… et beaucoup à recevoir pour
ceux qui l’accueillent. Toute l’histoire de l’humanité est là pour en témoigner.
V 17 : le
message premier de Jésus
Le message premier de Jésus est,
mot pour mot, le même que celui de Jean : Matthieu
3,2. Emprisonné, Jean ne peut plus le proclamer. Mais le passage de
relais a eu lieu. Jean sort de la scène pour laisser la place à Jésus qui
commence son ministère en reprenant son flambeau. Jean a accompli la mission
pour laquelle il a été envoyé. Il n’était pas là pour attirer les regards sur
lui, mais pour introduire celui, bien plus grand, qui allait venir après lui :
Matthieu 3,11. Le temps où leurs deux ministères
se chevauchent ne pouvait durer. Pour que celui de Jésus se développe, il
fallait que celui de Jean se restreigne : cf Jean
3,30. Jésus n’a pas poussé Jean pour qu’il lui fasse de la place. Les
choses se sont faites par la volonté de Dieu, au moment choisi par lui seul.
Jean n’était qu’un instrument humain, missionné pour un temps. Jésus ne joue
pas dans la même catégorie que lui. Seigneur et Messie, il possède des
serviteurs, mais aucun successeur. Son action, qui débute ici, se poursuit encore
aujourd’hui, des siècles après sa venue. Aussi, le message premier dont il est
le porteur, est toujours d’actualité. Le royaume des cieux est proche. Il va
bientôt s’établir, s’imposer comme la réalité unique et durable. Tout homme
sage est appelé à s’y préparer en se repentant de ce qu’il est, de sa conduite
et de ses attitudes. Heureux celui qui, aujourd’hui, entend l’appel de Jésus et
y répond avec foi et soumission.
V 18 à 22 :
rencontre avec les premiers disciples
Après le baptême et sa mise à
l’épreuve dans le désert, l’heure est venue pour Jésus d’entrer en mission.
Outre la proclamation de l’Evangile, son objectif premier est d’appeler et de
choisir les disciples qu’il formera et qui l’accompagneront. Il rencontre les
premiers, deux frères, au bord du lac de Galilée : Pierre et André. Jésus
les trouve en pleine activité, en train de jeter un filet dans le lac. Il n’a
pas besoin de leur expliquer de manière abstraite ce qu’il attend d’eux. Il les
appelle à poursuivre leur métier, mais en changeant de cible. Pierre et André,
avec lui, ne seront plus pécheurs de poissons, mais d’hommes. L’appel de Jésus
eut un effet irrésistible. Il est fort probable qu’avant cette heure, ils aient
déjà fait connaissance avec Jésus : cf Jean 1,37 à
42. Aussi, n’hésitent-ils pas. La personne de Jésus leur paraît si
fascinante que le suivre vaut mieux que tous les gains que leur procure leur
métier. Ils laissent tout en plan et se joignent à lui.
En associant le métier de Pierre
et André à leur future vocation, Jésus désigne le ministère qu’il leur réserve.
Pierre et André seront des évangélistes. C’est par eux (Pierre en particulier)
que Dieu fera entrer de nombreuses âmes dans son royaume. C’était là leur tâche
spécifique, celle par laquelle l’œuvre de Dieu commencerait. Les Actes des
apôtres confirment la nature du service de Pierre. Il est celui qui, à la
Pentecôte, fera entrer par sa prédication 3 000 Israélites dans l’Eglise
de Jésus-Christ : Actes 2,31. Plus tard, il
sera l’outil de Dieu pour ouvrir la porte du salut aux païens : Actes 10. Que Dieu suscite encore aujourd’hui de
nombreux pécheurs d’hommes !
Après Pierre et André, Jésus recrute
dans son équipe deux autres frères, Jacques et Jean, fils de Zébédée. Le choix
que fait Jésus ici ne relève pas du hasard. Les 4 hommes se connaissent bien.
Jacques et Jean sont les associés de Simon : Luc
5,10. Ils avaient l’habitude de collaborer dans une même entreprise. L’équipe
formera le socle solide des proches de Jésus. Le ministère des fils de Zébédée
est aussi en lien avec l’activité à laquelle ils étaient occupés au moment de l’appel
de Jésus. Les deux frères réparaient leurs filets. Ils étaient occupés à un
travail minutieux nécessaire et soigné : remettre leurs filets en état. Martyr,
Jacques n’aura pas l’occasion de servir longtemps l’Eglise. Il sera mis à mort
par Hérode : Actes 12,2. Jean vivra
longtemps. Son ministère principal ne sera pas de conduire ou d’enseigner, mais
de restaurer. Dans tout le Nouveau Testament, nous trouvons Jean occupé à
réparer les brèches en incitant ses frères à la vérité et l’amour. « Ce
qui distingue Jean, dans son Evangile, ses épitres ou son Apocalypse, c’est que
son fardeau est de ramener les enfants de Dieu à une position qu’ils ont
perdue.[1] »
Comme Pierre et André, Jacques et Jean durent, à la suite de l’appel de Jésus,
tout laisser en plan pour le suivre. La démarche fût affectivement plus
coûteuse pour eux. Car, à ce moment, ils travaillaient avec leur père Zébédée.
Devenir disciple signifia pour les deux frères donner à Jésus la priorité sur
tout et sur tous : une exigence que Jésus formulera clairement plus tard :
Luc 14,26. Sommes-nous prêts à suivre Jésus à ce
prix ?
V 23 à 25 : Jésus
attire les foules
Accompagné de ses premiers
disciples, Jésus se mit à parcourir la Galilée, où il s’était établi, pour
annoncer la bonne nouvelle du royaume. Il le fit d’abord par l’enseignement, la
tâche qu’il considérait comme la principale. Jésus se rendait là où se
retrouvaient les Juifs pour leur culte, dans les synagogues, et n’hésitait pas
à citer l’Ecriture pour s’appliquer les passages qui parlaient de la venue du
Messie : cf Luc 4,14 à 27. La venue du
royaume de Dieu correspondait à celle du Christ, et Jésus affirma dès le début
l’être. Il le démontra ensuite par les nombreuses guérisons et délivrances qu’il
opéra. Aucun mal, aucune infirmité ne résistait à son pouvoir. Aussi, la
renommée de Jésus se répandit rapidement au loin. De grandes foules venaient
vers lui avec leurs malades, et pas un ne repartait sans être soulagé.
Le commencement du ministère de
Jésus témoigne de ce qui le caractérisera jusqu’à la fin. Jésus vient en
premier pour enseigner. Mais les Evangiles témoignent que, surtout parmi les
lettrés, son discours ne passe pas. Au lieu d’emporter l’adhésion, ses
affirmations à son sujet provoquent la colère. Jésus a du succès auprès des
foules. Mais la raison tient à ce qu’il leur apporte. Elle est mercantile et
intéressée. Au moment où il faudra payer un prix pour le suivre, la multitude s’éloignera.
Les réactions des concitoyens de Jésus se retrouvent aujourd’hui. Là où il y a
promesse de miracles et de guérisons au nom de Jésus, les salles sont pleines.
Mais, pour le reste, la parole de Jésus compte peu. Elle suscite toujours parmi
les instruits autant de mépris et de malentendus. Heureux celui qui croit en
Jésus pour ce qu’il est !
[1] Adolphe
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