V 1 à 17 : généalogie de Jésus-Christ
V 1 : fils
d’Abraham, fils de David
Le cadre généalogique dans lequel
Matthieu situe la naissance de Jésus témoigne de l’orientation qu’il donne à
son Evangile. Jésus est d’abord, pour Matthieu, le fils de David. Le sang qui
coule dans les veines de Jésus est un sang royal. Sa lignée est celle du roi
qui a reçu, de la part de Dieu, la promesse d’un fils qui siégerait
éternellement sur son trône : 2 Samuel 7,12-13.
L’intention de Matthieu est de démontrer, par le récit qu’il va faire des faits
qui touchent à la vie de Jésus, qu’il est la réalisation de la promesse divine
faite à David. Le second personnage cité après David est Abraham, de qui David
descend. Avec Abraham, Matthieu greffe la venue de Jésus sur la racine qui a
donné naissance au peuple parmi lequel il voit le jour : Israël. Comme
David, Abraham a été l’objet d’une promesse qui devait se réaliser par sa
descendance. Cette promesse était que, par lui, toutes les familles de la terre
seraient bénies : Genèse 12,3. L’apôtre
Paul expliquera plus tard que Christ, descendance d’Abraham, est celui par qui
cette promesse s’est réalisée : Galates 3,16.
Qui est Jésus, selon Matthieu ? La réponse est claire. Il est le Roi des
Juifs, le Fils de David à qui la royauté éternelle a été promise, la
descendance d’Abraham par qui toutes les nations sont bénies.
V 2 : Abraham,
Isaac, Jacob, Juda
Alors que Luc fait remonter la généalogie de Jésus à Adam : Luc 3,38, Matthieu choisit délibérément Abraham comme racine la plus ancienne de son extraction. Abraham est, selon les paroles d’Esaïe, le rocher à partir duquel Israël a été taillé, la carrière d’où il a été tiré : Esaïe 51,1-2. L’acte de naissance de la nation viendra plus tard. Mais le moule qui l’a vu naître date du patriarche. D’Abraham, la filiation de laquelle est issu Jésus passe ensuite par Isaac. Abraham n’eut pas que lui comme fils. Mais Isaac est unique. Il est le fils que Dieu donna à Abraham par Sara dans sa vieillesse, le fils de la promesse. C’est par Isaac que les bénédictions promises à Abraham lors de son appel devaient se réaliser. En venant d’Isaac, Jésus descend de la lignée désignée par Dieu comme celle par laquelle les nations seraient bénies. Isaac eut deux fils : Esaü et Jacob. Possesseur du droit d’aînesse, Esaü le méprisa pour un plat de lentilles qu’il acheta à Jacob. Jacob, bien que cadet, devint l’élu de Dieu par qui Israël allait naître. Il donna naissance à douze fils, dont Juda qui reçut de son père mourant l’annonce que de lui naîtrait le Shilo à qui les peuples obéiraient : Genèse 49,10.Au jour où il se révéla à Moïse, Dieu se présenta comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : Exode 3,6. Le Messie envoyé de Dieu ne pouvait venir que de cette lignée. La généalogie de Jésus démontre qu’il est issu de la filiation choisie par Dieu pour la venue du Christ. En réduisant les probabilités par le tri, la généalogie de Jésus témoigne du fait que ses « prétentions » messianiques ne sont pas arbitraires, mais, en vertu des choix divins, historiquement fondées.
V 3 à 6 : de Juda à David
La portion de la généalogie de
Jésus qui va de Juda à David passe par des faits qui témoignent de la direction
absolue de Dieu en vue du projet de sa venue. Alors que l’auteur de la genèse
relate l’histoire de Joseph, le fils de Jacob, il interrompt son récit pour s’intéresser
soudainement à Juda, son frère : Genèse 38.
Une parenthèse particulière de sa vie nous est racontée. Par des chemins
troubles, Juda est conduit, sans le savoir, à coucher avec Tamar, l’une de ses
belles-filles, déguisée en prostituée pour le séduire. Par suite de leur
relation, celle-ci devient enceinte et accouche de jumeaux. L’histoire n’a rien
de moral. Elle mêle en son sein mensonge, concupiscence, manipulation... C’est cependant
de l’un des fils de Tamar, Pérets, que descend Jésus.
La seconde femme présente dans la
généalogie de Jésus est Rahab, la prostituée cananéenne qui a accueilli les
espions israélites et les a cachés à Jéricho : Josué
2. Sauvée de la destruction de la ville, elle devint l’épouse de Salmon,
un juif de la lignée issue de Juda. Il y avait au temps de Rahab de multiples
femmes israélites, mères de familles nombreuses de qui le Christ aurait pu
naitre. Mais l’élection divine, en vue de la mission universelle de salut du
Christ, a choisi de faire passer l’ascendance du Christ par cette femme, à la
fois pécheresse et étrangère. Elle est, comme la veuve de Sarepta au temps d’Elie
ou Naaman le syrien à l’époque d’Elisée, la démonstration que le canal de la
grâce de Dieu n’est pas aliéné au peuple élu, mais ouvert à toutes les nations.
La généalogie de Jésus se
poursuit pour aboutir à un autre personnage singulier, qui a donné son nom à un
livre biblique : Ruth. Belle-fille de Rahab, Ruth lui ressemble sur
plusieurs points. Comme elle, elle n’est pas israélite, mais étrangère
d’origine. Ruth est issue de Moab, peuple descendant de Loth : Genèse 19,36-37. Mariée
à un Israélite immigré, elle deviendra rapidement veuve dans son pays. Attachée
à sa belle-mère, veuve également, Ruth fera le choix de la suivre en Israël et
de faire de l’Eternel son Dieu. Son chemin la conduira à épouser Boaz, le fils
de Rahab, un israélite aisé. Par son union, Ruth deviendra l’arrière-grand-mère
du roi David.
Il n’y a dans la Bible nul autre
roi comme David. Choisi de Dieu, oint par l’Esprit, il est le modèle auquel la
Parole se réfère constamment pour juger de la conduite des autres rois. Ezéchias
ou Josias, bons rois de Juda, marchèrent sur les traces de David : 2 Rois 18,3 ; 22,2. Achaz ou Manassé, mauvais
rois de Juda, ne suivirent pas son exemple et connurent la désapprobation
divine : 2 Rois 16,2 ; 21,2. Fils de
David, Jésus l’est, selon la généalogie de Matthieu, par Salomon, le fils de la
femme qu’il a volée à Urie, le Héthien. De toutes les fautes commises par
David, son adultère avec Bath-Shéba est celle qui lui causera le plus de préjudices
de son vivant. Elle lui vaudra la division dans sa famille, la perte de son trône
et la révolte de l’un de ses fils contre lui. C’est cependant par cette voie inique
et étrange que la lignée de Jésus, le Messie, passe pour conduire à sa
naissance ici-bas.
La portion de la généalogie de
Jésus qui court de Juda à David témoigne de l’action souveraine et gracieuse de
Dieu dans l’histoire en vue de ses desseins. Dieu n’a de compte à rendre à
personne. Il agit comme il le veut, avec qui il veut. Les fautes commises par
les outils humains de sa providence ne sont pas un obstacle à la réalisation de
sa volonté. Sa grâce a le pouvoir de tirer le bien du plus grand des maux. Les
ascendants de Jésus ne sont pas tous des saints. Choisis par Dieu pour être les
canaux de la venue de son Fils dans ce monde, ils illustrent le message dont il
sera porteur à destination de tous. C’est par la grâce de Dieu seule que nous
sommes sauvés. Cela ne vient pas de nous, c’est le don de Dieu.
V 7 à 11 :
de Salomon à la déportation à Babylone
La partie de la généalogie de
Jésus qui va de Salomon à Josias est la plus noble. Elle suit la lignée des
rois issus de David qui régnèrent, à partir de Roboam, sur Juda. Il se trouve
parmi eux les figures les plus inspirantes de cette période : Asa,
Josaphat, Ozias, Ezéchias ou Josias. Il était nécessaire, pour que les
prétentions du Messie à la royauté soient valables, que sa généalogie passe par
la lignée davidique. Car c’est d’elle, comme nous l’avons vu, que doit sortir
le roi qui règnera pour toujours sur Israël : 2
Samuel 7,12-13. Tous les rois qui précédèrent Jésus, malgré la grande
valeur de certains, commirent des fautes. Jésus, l’unique être humain sans péché,
est aussi le seul qui soit digne d’être appelé le Roi des rois. Car il est le
seul qui ait conjugué à la perfection service et royauté dans le ministère que
Dieu lui a confié auprès des hommes.
V 12 à 17 :
de Jéconias à Joseph, l’époux de Marie
Nous ne connaissons que de noms
(sauf Zorobabel : Esdras 3,2 ; Aggée 1,1)
les ascendants de Jésus qui comble le temps qui court de la déportation à
Joseph, son père adoptif. La rigueur juive au sujet de ce travail de mémoire a
fait que la lignée de Jésus ne souffre d’aucun blanc. « Dans les sociétés
organisées autour du lien familial, les généalogies (listes de noms retraçant
la lignée d’un individu ou d’un groupe) ont valeur de documents publics
permettant de retracer l’histoire, d’établir votre identité et de légitimer l’accès
à des fonctions réservées. Un lien familial irréfutable et direct avec le passé
est la clé à la fois de la légitimité et de l’identité.[1] »
Traversant les trois périodes historiques qui découpent la généalogie de Jésus
depuis Abraham, Matthieu comptabilise 42 générations réparties en 3 groupes de
14. Ce décompte précis et controversé a fait l’objet de nombreux commentaires. Selon
Henry Bryant, il n’est pas fortuit. « En hébreu, la valeur numérique
des trois lettres du nom de David, ajoutées ensemble, est de 14. Ceci est une
explication possible et plausible de la raison pour laquelle Matthieu choisit
ce nombre pour ses divisions. Il soulignerait par là le caractère royal de la
généalogie de Jésus. C’est aussi un moyen mnémotechnique rabbinique.[2] »
Roi-Messie issu de David, Jésus
met fin à la malédiction prononcée par Dieu sur sa descendance. En effet, au
jour de la déportation des Juifs à Babylone, une parole terrible de Dieu sur la
lignée de David avait été prononcée par Jérémie sur Jéconias, le fils du
dernier roi. « Ecrivez au sujet de cet homme, avait ordonné le prophète,
qu’il sera privé d’enfants, qu’il ne réussira pas sa vie. En effet, aucun de
ses descendants ne réussira à occuper le trône de David et à régner encore sur
Juda : Jérémie 22,30 à 31. » A
cause de la promesse faite antérieurement à David, la malédiction ne pouvait
avoir qu’un effet limité dans le temps. Porteur de la grâce divine, Jésus est,
parce qu’il a été fait malédiction pour nous, celui qui met fin à toutes celles
proférées avant lui. A cause de lui, il y a encore un avenir et une espérance
pour Israël : cf Jérémie 29,10-11.
V 18 à 25 :
naissance de Jésus
Après avoir dressé la généalogie
de Jésus-Christ, Matthieu nous relate les faits qui ont trait à sa naissance.
La personne qui est au centre de son récit est une jeune fille, choisie par
Dieu pour être la mère de Jésus : Marie. Au moment où nous la trouvons,
celle-ci n’est pas mariée, mais fiancée à un homme appelé Joseph. Il y a entre
eux un engagement fort. Une promesse de fidélité les attache l’un à l’autre
jusqu’au jour où, devant leurs parents, ils s’uniront et formeront un couple.
Les fiancés juifs n’avaient pas de relations sexuelles ensemble et ne vivaient
pas sous le même toit. Mais, sur le plan légal, ils étaient liés au même titre
que des personnes mariées. Seul un divorce pouvait rompre leurs fiançailles.
C’est dans cette période d’attente
du mariage que Marie se trouva enceinte par l’action du Saint-Esprit. Matthieu
se limite ici à ce fait, mais Luc nous en dit plus. La grossesse de Marie ne
lui fut pas imposée. Avant qu’elle ne se produise, l’évangéliste raconte la
visite de l’ange Gabriel l’informant du projet de Dieu à son sujet. Soumise,
Marie choisit de faire passer la volonté de Dieu avant ses intérêts, au risque
de porter préjudice à son bonheur futur : cf Luc
1,26 à 38. En « volant » Marie à Joseph, Dieu savait cependant
ce qu’il faisait. Il connaissait le cœur de celui-ci et savait que son amour
pour Marie la préserverait d’une décision qui lui nuirait. Ayant appris que sa
bien-aimée attendait un enfant, Joseph opta pour une rupture secrète avec elle.
Matthieu ne le dit pas, mais nous pouvons imaginer les questions et la tristesse
qui envahirent son cœur à ce moment. « Marie ! Toi enceinte ?
Comment une telle chose est-elle possible ? Que t’est-il arrivé pour que
tu oublies ton engagement envers moi ? Cela ne te ressemble pas du tout !
Je ne puis comprendre. »
Le Seigneur ne laissa pas
longtemps Joseph dans le désarroi. Il dépêcha un ange auprès de lui et, dans un
rêve, lui donna l’explication de la grossesse de sa fiancée. L’enfant qu’elle
attendait n’était pas le fruit d’une trahison, mais l’œuvre surnaturelle de
Dieu par le Saint-Esprit. Marie portait en son sein un fils et c’est à lui,
Joseph, que revenait l’honneur de lui attribuer le nom voulu par Dieu pour lui :
Jésus. Ce nom ne lui est pas donné par hasard. Il est significatif de la
mission de salut pour laquelle Dieu le fait entrer dans le monde. Par Jésus, l’Eternel
est lui-même venu vers son peuple pour le sauver de ses péchés. Matthieu le
précise ici : ce n’est pas le monde dans sa globalité, mais le peuple de
Dieu qui est le bénéficiaire de la mission rédemptrice du Sauveur. L’ange
termine son annonce à Joseph en authentifiant le message dont il est le porteur
par une citation d’Esaïe. Joseph aurait été en droit de douter de la parole de
l’ange si elle ne s’appuyait pas sur une parole précise de Dieu. Or, inspiré de
Dieu, Esaïe avait prédit ce qui se produit sous les yeux de Joseph. « La
vierge, dit le prophète, sera enceinte, elle mettra au monde un fils et on l’appellera
Emmanuel : Esaïe 7,14. »
Le récit de la naissance de Jésus
et la façon d’agir de Dieu envers Joseph confirment la justesse du témoignage
qui lui est rendu au sujet de ses voies. « L’Eternel est juste dans
toutes ses voies et miséricordieux dans toutes ses œuvres : Psaume 145,17. » La bienveillance de Dieu
envers ses serviteurs accompagne toutes ses décisions à leur sujet. A l’écoute
de la révélation de l’ange, le cœur de Joseph se réveillera rassuré. La honte
qu’il ressentît à propos de Marie se muera en admiration et émerveillement. Non !
Joseph ne s’était pas trompé sur elle. Marie était encore plus belle qu’il ne l’imaginait.
A cause du choix de Dieu, toutes les générations la diront heureuse : Luc 1,48. Car, dans toute l’histoire, elle est unique.
Elle seule a connu l’insigne privilège de donner naissance à Jésus, le Fils de
Dieu.
Matthieu termine son récit en
précisant le comportement qu’adoptèrent Marie et Joseph jusqu’à la naissance de
Jésus. Bien que mariés, ils n’eurent pas de relations conjugales avant sa venue.
Jésus né, ils eurent, comme tous les autres couples, une relation maritale. La virginité
perpétuelle de Marie, chère au catholicisme, ne repose sur aucun texte
biblique.
[1] La Bible
avec notes d’étude archéologiques et historiques : page 1372
[2]
Commentaire Biblique sur Matthieu : Henry Bryant : Edition Clé :
page 30
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