dimanche 12 décembre 2021

CHAPITRE 3

 V 1 à 12 : ministère de Jean-Baptiste

a.       Jean-Baptiste : v 1

Peu avant la naissance de Jésus, il s’était produit dans sa proche parenté un autre miracle. La cousine de Marie, Elisabeth, stérile et d’un âge avancé, était mariée à Zacharie, un prêtre. Or, un jour qu’il servait dans le temple du Seigneur, il eut la visite de Gabriel, l’ange de Dieu venu lui annoncer que, sous peu, sa femme serait enceinte. Elisabeth donnerait naissance à un fils qui serait rempli d’Esprit saint dès sa conception. L’ange précisa le nom qui devait lui être donné : Jean. Ce fils serait grand devant le Seigneur. Marchant avec la puissance et l’esprit d’Elie, il devait ramener les cœurs des pères vers les enfants : cf Malachie 3,24, et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. Luc rapporte dans son Evangile ces faits que Matthieu tait : cf Luc 1,5 à 17. Jésus né, le temps est venu pour Jean d’entrer dans son ministère de précurseur du Messie. C’est dans le désert de Judée que, devenu adulte, il va s’adresser à tout Israël.

b.      Le message de Jean : v 2

Le cœur du message de Jean-Baptiste au peuple se résume à une injonction motivée par une raison. Jean appelle le peuple à changer d’attitude, car le royaume des cieux est proche. Jean annonce qu’un temps nouveau arrive de manière imminente. L’accès au royaume des cieux qui, jusque-là, ne relevait que de l’espérance, va devenir une réalité. La prédication de Jean porte en elle-même l’essence de l’Evangile. Elle proclame que la barrière du péché qui séparait les hommes de Dieu va être ôtée. La communion avec Dieu va redevenir possible. Cette bonne nouvelle nécessite cependant une préparation. Elle implique de la part des pécheurs un changement de mentalité et de comportement. Il ne s’agit plus de suivre les penchants de sa nature, mais de manifester volonté et désir de s’aligner à ceux de Dieu. « On t’a fait connaître, disait le prophète Michée, ce qui est bien et ce que l’Eternel demande de toi : c’est que tu mettes en pratique le droit, que tu aimes la bonté et que tu marches humblement avec ton Dieu : Michée 6,8. » Jean-Baptiste va décliner un peu plus loin ce que cet appel implique concrètement au public qui viendra vers lui. Mais le fond du message est le même pour tous. Sans repentance, sans revirement complet de sa façon d’être et d’agir, les portes du royaume des cieux resteront fermées aux pécheurs.

c. Identité spirituelle de Jean : v 3

La venue de Jean, juste avant Jésus, ne relève pas du hasard. Elle est la réalisation de la prophétie d’Esaïe prédisant l’écho d’une voix qui se ferait entendre dans le désert : Esaïe 40,3. La prédiction d’Esaïe inaugure la partie de son livre consacrée au Messie. Elle débute par l’annonce d’une bonne nouvelle pour tout le peuple. Après le temps du châtiment et de l’exil, s’ouvre pour Jérusalem celui de la consolation. Israël a suffisamment payé pour ses fautes. Son péché est expié. Le moment de la restauration est venu. La gloire qui avait quitté le pays du temps d’Ezéchiel va y revenir. Elle sera visible par tous. C’est pourquoi le peuple doit se préparer à l’accueillir. La mission de Jean est d’être celui qui, par ses paroles, disposera les Israélites à le faire.

Matthieu ne cite qu’une partie de la prophétie d’Esaïe consacrée à Jean-Baptiste. Son but est de définir l’ordre de mission qu’il a reçu de Dieu. Luc la reprend entièrement et explique les effets que son message produira dans les cœurs : Luc 3,4 à 6. Par des images tirées de la topographie, il illustre le processus de nivellement auquel aboutit l’œuvre de la repentance. « Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. » Les différences qui séparaient les hommes seront reversées Tous, pour rencontrer le Seigneur, sont mis à égalité. Le misérable est relevé et l’orgueilleux humilié. « Ce qui est tortueux sera redressé et les chemins rocailleux seront aplanis. » L’œuvre de la repentance n’est pas optionnelle, mais primordiale. Elle prépare le chemin du Seigneur. Elle rend opérationnelle son œuvre dans les cœurs. Et il fallait, pour la signifier, que Jean paraisse et précède Jésus.

d. L’apparence de Jean : v 4

Jean n’est pas seulement que par ses paroles le chantre du non-conformisme. Toute sa manière d’être et de vivre le distingue de la masse. Jean vit dans la solitude du désert. Imitation d’Elie, le prophète : 2 Rois 1,8, il est reconnu par sa façon identique de s’habiller. Cet emprunt à la figure israélite emblématique des prophètes n’est pas fortuit. Elle renvoie à la dernière prophétie qui clôt l’Ancien Testament, déjà citée : Malachie 3,23-24. Jésus le dira aux Juifs qui l’écoutaient : « Si vous voulez bien l’accepter, c’est lui l’Elie qui devait venir : Matthieu 11,14. » Du fait de son rôle unique, Jean est, selon les dires de Jésus, le plus grand des hommes. La grandeur de Jean ne se voit ni dans ses tenues, ni dans les lieux qu’il habite : cf Matthieu 11,8 à 11. Elle se trouve dans la hauteur de la mission qui lui a été confié. Ses prédécesseurs dans la foi ont salué et vu de loin le Messie : Hébreux 11,13. Lui le devance de peu. Il n’a plus d’annonce à faire. Il est là pour indiquer qui il est.

Matthieu précise un dernier détail au sujet de Jean : le contenu de ses repas. Jean se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Dans la classification lévitique, les sauterelles étaient considérées comme des animaux purs, propres à la consommation : Lévitique 11,22. Si particulier que soit Jean, il ne faisait rien qui soit condamnable par la loi. Détaché du monde, il se suffisait de peu et témoignait de la vérité de la parole future de Paul : « Si donc, nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira : 1 Timothée 6,8. »

e.       L’impact du ministère de Jean : v 5 et 6

Personnage atypique, Jean attira par sa prédication des foules venues de toute la Judée. Ce n’est pas lui qui allait vers les gens, mais, par un mouvement de l’Esprit de Dieu, eux vers lui. Ce qui se produit avec Jean nous enseigne que, lorsque Dieu agit, les cœurs s’ouvrent à sa Parole. L’œuvre de Dieu n’est jamais le fruit de l’effort de l’homme, de la puissance de la technique ou des moyens qu’il a à sa disposition. Elle réussit parce qu’elle se fait à l’heure de Dieu. Jean est l’antitype même des prédicateurs modernes qui, trop souvent, cherchent à impressionner les foules pour les attirer. Il n’a ni scène, ni musiciens, ni chorale, ni micros, ni jeux de lumière, ni beaux vêtements, ni cohorte d’assistants. Il est seul dans le désert, habillé de façon rustique, porteur d’un message désagréable à entendre. Mais il sert Dieu au temps voulu, rempli de la puissance de l’Esprit.

A l’écoute de Jean, les foules ne parlementent pas. Les pécheurs tombent sur leurs genoux, confessent leurs péchés et, illico, se font baptiser dans le Jourdain. Lorsque l’Esprit de Dieu agit, il n’y a plus de discussion. La seule chose qui préoccupe les âmes est de savoir ce qu’elles doivent faire pour être sauvées : cf Actes 2,37. Qui cherche à négocier avec Dieu n’a pas encore compris dans quelle situation il se trouve. Hormis la repentance, il n’y a aucun terrain d’entente possible entre le Dieu saint et le pécheur. Heureux celui qui le comprend... et qui le vit ! « La tristesse selon Dieu produit une repentance qui conduit au salut et que l’on ne regrette jamais, tandis que la tristesse du monde produit la mort : 2 Corinthiens 7,10. »

Il ne suffisait pas, pour manifester son adhésion au message de Jean, de confesser ses péchés. Les pécheurs qui se repentaient le signifiaient par un engagement précis. Ils se faisaient baptiser par Jean dans les eaux du Jourdain. L’Ecriture ne nous dit pas où Jean a puisé son inspiration pour imposer une telle exigence. Mais le baptême faisait partie intégrante de la mission qu’il a reçue : Jean 1,33. Les évangélistes le décrivent comme un acte prophétique. Il est administré en vue du pardon des péchés : Marc 1,4 ; Luc 3,3. Le baptême d’eau n’est cependant pas une fin en soi. Il prépare le peuple à la venue de Jésus et annonce celui, plus décisif, qu’il initierait : le baptême du Saint-Esprit : Actes 1,5.

f.      Le fruit de la repentance : v 7 à 12

Devenu un phénomène en Israël, Jean n’attira pas à lui que le bas peuple. Un grand nombre de pharisiens et de sadducéens, partis qui formaient l’élite pieuse du pays, vinrent aussi vers lui. Jean, qui les avait côtoyés, les connaissait. Il savait quelle fierté les habitait. Aussi, se devait-il de s’adresser à eux en particulier. Il ne fallait pas que ses visiteurs se méprennent sur son intention. Le baptême qu’il pratiquait n’était pas un rite religieux supplémentaire, à inscrire dans son portefeuille de mérites. Il exigeait une condamnation sans appel de soi, de ses actes et de ses attitudes mauvaises. Jean allait utiliser pour leur parler le seul langage qui convenait : celui de la rudesse. Apprenons de la sagesse et de l’intelligence de Jean.

« Races de vipères… »

Sans précaution aucune, Jean débute sa harangue en signifiant à ses visiteurs leur identité spirituelle. Juifs pieux, ceux-ci se réclamaient d’Abraham, le père de la nation. Ils se prenaient pour l’élite du peuple choisi. Jean détruit leur illusion. Les pharisiens et les sadducéens ne font pas partie de la race élue, mais de celle du serpent. Jean ne sera pas le seul à s’adresser à eux de la sorte, Jésus le suivra plus tard : Jean 8,44. En abordant ses visiteurs sous cet angle, Jean opte pour un message qui vise le cœur du problème qui existe entre eux et Dieu. La repentance n’est pas nécessaire en priorité à cause des œuvres mauvaises qu’ils auraient pu pratiquer. Elle l’est parce que, dans leur nature fondamentale, ils portent les caractéristiques de l’ennemi de Dieu. C’est à cause de ce qu’ils sont que les pharisiens et les sadducéens doivent se repentir, non d’abord pour ce qu’ils font. La parole de Jean vaut pour eux, et pour tous les gens religieux dans le monde. La vraie filiation d’Abraham ne se transmet pas par le sang, mais par la foi et l’esprit qui l’habitaient. En-dehors d’elle, nous sommes tous de la race de la vipère. C’est sur ce point que doit se construire notre discours invitant les hommes à se préparer à recevoir le salut.

« Qui vous a appris à fuir la colère à venir ? »

Après avoir décliné l’identité spirituelle de ses visiteurs, Jean les interpelle par une question tout aussi directe. Le but de Jean est de les sonder sur leur motivation. Qu’est-ce qui pousse les pharisiens et les sadducéens à venir à lui ? Quel sentiment, quelle préoccupation les habite ? Le message que proclame Jean est sans ambigüité. Il appelle chacun à un revirement radical, une rupture totale avec l’être du passé. Est-ce là ce que ses visiteurs veulent signifier en se mêlant à la foule des pécheurs venus de toute la Judée ? Jean en doute. Il perçoit derrière la démarche des religieux une raison qui n’est pas en phase avec la vérité. Les pharisiens et les sadducéens ne sont pas prêts à affronter le jugement de Dieu sur eux. Ils cherchent, une fois de plus, en imitant les pécheurs, à s’en tirer à bon compte. Ils se conforment à l’extérieur à ce qui est demandé par Jean (le baptême), mais, à l’intérieur, ils ne reviennent sur rien. Qu’ils n’espèrent pas ainsi échapper à la colère ! Aucun rite pénitentiel ne saurait remplacer une vraie repentance. Seul celui qui se condamne lui-même échappe à la condamnation de Dieu.

La repentance n’a de sens que si elle est perçue à la lumière du jugement de Dieu. Celui qui regrette le mal qu’il a fait, sans mesurer sa gravité à la lumière de la justice et de la sainteté de Dieu, fait bien, mais pas assez. Car ce que nous devons craindre par-dessus tout n’est pas le préjudice que nous avons fait subir aux autres, mais la colère que Dieu ressent à l’égard du péché. David l’a compris au jour de sa repentance par suite de son adultère. « J’ai péché contre toi, contre toi seul, dira-t-il à Dieu, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux. C’est pourquoi tu es juste dans tes paroles, sans reproche dans ton jugement : Psaume 51,6. » Jésus abondera un peu plus tard dans le sens de Jean : « Moi, je vous dis : tout homme qui se met en colère contre son frère mérite de passer en jugement ; celui qui traite son frère d’imbécile mérite d’être puni par le tribunal, et celui qui le traite de fou mérite d’être puni par le feu de l’enfer : Matthieu 5,22. » Relativiser notre péché est sans nul doute la séduction spirituelle la plus grande !

Produisez donc du fruit qui confirme votre changement d’attitude

La présence des pharisiens et des sadducéens dans la file des pécheurs qui se rendaient chez Jean pour se faire baptiser n’était pas en elle-même une preuve de l’authenticité de leur désir de se repentir. Le cœur de l’homme est si fourbe qu’il peut tout singer, y compris la vraie piété. Il n’y a qu’une seule chose qui puisse attester la véracité d’un changement profond de mentalité : le fruit qui en découle. Qui ne s’éloigne pas de l’iniquité, tout en invoquant le Seigneur, y ajoute un nouveau péché plus grave encore : l’hypocrisie. Les actes nouveaux sont ce qui témoigne le mieux du revirement profond qui s’est opéré en nous. L’application de la repentance diffère selon chaque cas, comme le rapporte Luc : Luc 3,10 à 14. Mais si elle est absente des vies, on a le droit de douter de sa réalité. Ne soyons donc pas trop rapide pour légitimer la démarche d’un homme qui dit se repentir, surtout s’il est religieux. Laissons le temps et les actes nous convaincre de la sincérité de sa conversion. Car, comme le dira Jésus plus loin : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste : Matthieu 7,21. »

Et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour ancêtre !

A l’idée de comparaître devant Dieu pour être jugé, la réaction naturelle de l’être humain est de trouver en soi des éléments qui le rassurent. La fierté des pharisiens et des sadducéens était d’être les descendants physiques d’Abraham, l’élu de Dieu. A cause de ce fait objectif, ils se disaient en eux-mêmes qu’ils n’avaient rien à craindre. Dieu ne pouvait être que bienveillant à leur égard. Tous les êtres religieux pensent, avec des nuances, de la sorte. La fierté de Saul de Tarse, avant qu’il ne rencontre Jésus, reposait sur les mêmes présupposés : Philippiens 3,4 à 6. Pour d’autres, la conviction d’être dans les faits meilleurs que leur voisin impie leur suffit : cf Luc 18,10 à 12. Cette attitude d’autojustification viscérale de l’homme religieux est à l’opposé de l’esprit qui anime celui qui se repent. La repentance se produit au moment même où nous confessons ne plus avoir de terrain sur lequel nous tenir fièrement debout devant Dieu. Le pharisien adopte cette position devant Dieu ; le pécheur, quant à lui n’ose pas même lever les yeux vers le ciel. La différence de comportement tient à une seule chose : ce que chacun se dit à lui-même en cet instant. Quels sont les sentiments qui nous animent lorsque nous nous approchons de Dieu ? Sommes-nous dans l’émerveillement de la grâce dont nous sommes l’objet ? Ou venons-nous devant lui avec l’offrande impure de nos mérites personnels ? De ces attitudes dépend l’accueil qui nous sera réservé !

En effet, je vous déclare que de ces pierres, Dieu peut faire naître des descendants à Abraham

Forts de leur origine, les pharisiens et les sadducéens se pensaient en sécurité face à la colère à venir. Ils sont le peuple élu de Dieu. Le Talmud, auquel ils se référent, n’enseigne-t-il que seuls les païens tomberont au jour du jugement ? Ils n’avaient donc rien à craindre. Jean met ici à bas leur fausse assurance. Bien que descendants d’Abraham, ses visiteurs ont, comme les autres, du souci à se faire face à la justice de Dieu. Ils ne sont prémunis en rien de la condamnation qui pèse sur eux à cause de leurs péchés. La voie de la repentance leur est nécessaire comme à n’importe qui d’autre dans le monde. Pour ce qui est des promesses faites à Abraham au sujet de sa postérité, ils n’ont pas à s’inquiéter. Elles s’accompliront avec ou sans eux. Car Dieu a le pouvoir de susciter des fils au patriarche d’éléments qui paraissent à priori inappropriés pour ce but.

L’histoire donnera raison à Jean. Par Jésus-Christ, des incirconcis de toute nation vont, par la foi, intégrer le peuple de Dieu. Ils seront accueillis comme de vrais fils et filles d’Abraham. Il n’y a plus ici de Juif ou de non-Juif qui compte. « Si vous appartenez à Christ, dit Paul, vous êtes la descendance d’Abraham et vous êtes héritiers conformément à la promesse : Galates 3,28-29. »

Déjà, la hache est mise à la racine des arbres

Si, par Jésus, le salut de Dieu est entré dans le monde, avec lui commence aussi le jugement. Le vieux Siméon l’avait annoncé à Marie : « Cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et à devenir un signe qui provoquera la contradiction : Luc 2,34. » Les pharisiens et les sadducéens étaient des experts dans le paraître. Tous leurs actes extérieurs avaient pour objet de les embellir aux yeux des autres et de les faire passer pour des hommes pieux et justes. Mais, s’ils pouvaient tromper les foules, Dieu n’était pas dupe de la réalité qui les habitait. Telle une hache qui s’attaque à la racine des arbres, le jugement de Dieu ne se porte pas sur les actes, mais sur les motivations qui en sont la cause cachée. A ce propos, Jésus se montrera parfaitement lucide à leur sujet : « Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, leur dira-t-il, parce que vous nettoyez l’extérieur de la coupe et du plat, alors qu’à l’intérieur ils sont pleins du produit de vos vols et de vos excès. Pharisien aveugle ! Nettoie d’abord l’intérieur de la coupe et du plat, afin que l’extérieur aussi devienne pur : Matthieu 23,25-26. » La 1ère mission de Jésus est de faire entrer les élus dans le royaume de Dieu. C’est le côté bienheureux de son mandat. Mais celui-ci a un revers. Ceux qui, par leurs dispositions, sont inaptes à en faire partie, en sont retranchés. « Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il (le vigneron) l’enlève… Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il sèche ; puis on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent : Jean 15,2 et 6. » Il nous faut apprendre à nous juger nous-mêmes à la lumière de la vérité qui est en Jésus. Si nous le faisons, nous évitons à Dieu de le faire pour nous : 1 Corinthiens 11,31.

Tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu

C’est sur la base d’un seul critère de sélection que le jugement de Dieu se fait. Là où il y a la présence de bons fruits, l’arbre est préservé. Là où ils font défaut, il est coupé. Le but de tout horticulteur ou vigneron est de récolter du fruit : Jean 15,1-2. Tout plant qui n’en porte pas, malgré les bons soins de son propriétaire, occupe le terrain inutilement : Luc 13,7. Le fruit est ainsi ce qui donne à l’arbre à la fois sa raison d’être et son identité. C’est par son fruit que l’on reconnaît l’arbre : Matthieu 7,16. Les œuvres de la chair sont faciles à reconnaître, dira Paul : Galates 5,19 à 21. Elles portent toutes la marque de la corruption et de la déchéance humaine. Ce qui procède de l’Esprit est tout autre. C’est une production qui n’a pas sa source en l’homme, mais en Dieu par l’Esprit : Galates 5,22. Il en résulte des œuvres bonnes à la louange de la gloire de Dieu et de sa grâce. Que tout ce qui résulte de ma vie soit un fruit qui confesse ton nom, ô Dieu !

Moi, je vous baptise d’eau en vue de la repentance

Bien que serviteur de Dieu choisi dès sa naissance et précurseur du Messie, Jean exerçait un ministère qui avait ses limites. Il pouvait préparer le peuple à accueillir le Messie par la repentance, mais son mandat s’arrêtait là. Il n’avait ni le pouvoir de le sauver, ni de le régénérer. Cette capacité était du ressort du Christ seul. A l’image de Jean, il est essentiel que chaque serviteur de Dieu ait une juste notion de son identité et de la mission qui lui est confiée. Interrogé sur le premier point par les Juifs venus de Jérusalem pour le questionner à ce sujet, Jean y répondra clairement. Il n’est ni le Messie, ni Elie, ni le prophète, mais la voix annoncée par Esaïe, qui crie dans le désert : Jean 1,19 à 23. Le fait de savoir qui nous sommes et ce pour quoi nous avons été envoyés est salutaire et libérateur. Cette connaissance préserve de bien des écueils. Elle nous évite de prendre la place de l’Esprit de Dieu dans notre service auprès des hommes et nous procure liberté et assurance. Elle nous sauve de la vantardise coupable et de la fausse humilité paralysante. Rien, dans l’œuvre de Dieu, ne remplace le Messie. Mais rien également ne la fait mieux avancer que le serviteur de Dieu qui, à son service, remplit le rôle pour lequel Dieu l’a choisi.

Mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi et je ne suis pas digne de porter ses sandales

Si Jean a conscience des limites inhérentes à son ministère, il sait que celui qui le suit ne sera prisonnier d’aucune impuissance. Sur le plan humain, Jean et Jésus sont cousins. Mais, sur le plan spirituel, Jean sait qu’un gouffre le sépare de Jésus. Aussi utile puisse être Jean pour l’œuvre de Dieu, ce qui est capital ne se fera que par Jésus. Malgré l’importance qu’a Jean dans le plan de Dieu, il le sait, il n’en est pas la pièce maîtresse : c’est Jésus. Jésus rendra un jour honneur à Jean disant que, parmi les hommes qui sont nés de femmes, il n’en a pas paru de plus grand que Jean : Matthieu 11,11. L’avis de Jean sur Jésus nous est donné ici. Jésus est pour Jean une personne d’une telle hauteur qu’il n’est pas digne de porter ses sandales. L’humilité de Jean à l’égard de Jésus n’est pas feinte. Elle procède d’une vision juste de la réalité. Jean sait qui il est et sait qui est Jésus par rapport à lui. L’humilité est compagne de la vérité. Après s’être mesuré à Jésus, Jean nous dit ensuite pour quelle raison précise celui-ci le dépasse.

Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu

Rien ne fait mieux percevoir la différence de nature qui sépare Jean de Jésus que l’œuvre particulière que celui-ci introduira par sa venue. Jean baptise d’eau, mais Jésus baptisera les hommes d’Esprit-Saint et de feu. Jean peut plonger un corps humain dans l’eau. Seul Jésus a le pouvoir d’immerger une âme dans la vie même de Dieu. Le baptême que Jésus initie dépasse les frontières de l’humain. Il est une opération divine qui fait entrer de plein pied celui qui en bénéficie dans la sphère du royaume de Dieu. Le baptême du Saint-Esprit se produira pour les disciples à la Pentecôte : Actes 1,5. Il est l’acte fondateur de la vie chrétienne, celui par lequel tout commence. Jean précise que le baptême que Jésus pratiquera sera aussi un baptême de feu. Le feu est, dans l’Ecriture, toujours synonyme de jugement. Qui n'est pas baptisé par l’Esprit par Jésus le sera par le feu. Qui que nous soyons dans ce monde, nous ne pourrons échapper aux conséquences de la venue de Jésus. Il sera soit notre Sauveur, soit notre Juge.

Il a sa pelle à la main ; il nettoiera son aire de battage et il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas.

Nous arrivons ici à la conclusion du discours de Jean aux pharisiens et aux sadducéens. La gravité des propos de Jean a pour objet de souligner le caractère critique que revêt la venue de Jésus pour ses auditeurs. Par lui, un tri, une séparation irréversible vont s’opérer parmi les hommes. La venue de Jésus inaugure la grande moisson qui se produira à la fin des temps. En ce jour, les anges, dira Jésus, viendront séparer les méchants d’avec les justes : Matthieu 12,49. Assis sur son trône, le Fils de l’homme séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs. Les uns recevront en héritage le royaume que le Père céleste leur a préparé dès la fondation du monde. Les autres seront jetés dans le feu éternel préparé à l’origine pour le diable et ses anges : cf Matthieu 25,31 à 46. Au vu des conséquences éternelles qu’il entraîne dans la vie de ses auditeurs, le message de Jean est crucial. La repentance est le moment de vérité pour chacun. Il est un carrefour qui l’oriente pour toujours, soit vers une destination bienheureuse, soit vers le malheur éternel. Serais-je avec le bon grain dans le grenier du Seigneur ? Ou avec la paille, voué à la fournaise insatiable ?

V 13 à 17 : baptême de Jésus par Jean

Le discours de Jean aux pharisiens et sadducéens avait un but. Jean voulait que personne, sous prétexte de religiosité, ne se sente à l’aise face à la perspective du jugement de Dieu. Le vernis religieux qui couvrait la vie de ses auditeurs ne tiendrait pas face au feu auquel ils seraient exposés. Il leur fallait être revêtu d’une autre justice que celle dont ils s’habillaient. Destiné à tous les pécheurs, le message de Jean avait comme objet de les enfermer tous dans la désobéissance pour que la grâce soit donnée à tous. Un seul type de personne n’était pas concerné par l’appel à la repentance de Jean : celui qui n’avait aucun péché à confesser. Il n’existait qu’un seul être qui réponde à ce critère, Jésus. Et le voici qui s’approche de Jean pour être baptisé.

La réaction de Jean à la vue de Jésus est immédiate. Jésus n’est pas à sa place. Il n’a rien à faire dans la file des pécheurs qui attendent leur tour pour se faire baptiser. Ce n’est pas lui, Jean, qui doit baptiser Jésus, mais l’inverse. Car, bien que mandaté par Dieu par ce service, Jean ne se situe pas, contrairement à Jésus, hors de la catégorie des fautifs. La demande de Jésus à Jean est un tel contresens que celui-ci ne peut se résoudre à y accéder sans protester. Le Seigneur le rassure. Il sait qui il est et ce qu’il fait. Que Jean soit étonné par sa démarche ne le surprend pas. Il n’a pas fini de l’être. Rien, en effet, dans l’histoire de l’humanité de Jésus n’est conforme à la logique. Quel intérêt pour lui-même un Dieu a-t-il à se faire homme ? Quel gain trouve-t-il à s’assimiler aux pécheurs ? Enfin, quel bienfait retire-t-il à subir à leur place la sentence que méritent leurs forfaits ? Tout est contraire à la raison ! Mais la folie de Dieu est plus sage que les hommes et sa faiblesse plus forte qu’eux : cf 1 Corinthiens 1,25. Jésus ne demande pas à Jean de le comprendre, mais de se soumettre à sa volonté. C’est pour lui ici la meilleure façon de reconnaître sa seigneurie. Imitons-le ! Car Jésus ne se trompe jamais. Tout ce qu’il fait est toujours en accord avec son dessein. La foi consiste à le croire envers et contre toutes les apparences !

Sur l’insistance de Jésus, Jean le baptisa. Il le fit sans que celui-ci n’ait à confesser aucune faute. Innocent, Jésus anticipe ici ce que sera le sommet de sa mission. Il est venu pour s’identifier aux pécheurs et, tel un agneau muet, s’offrir en sacrifice pour leurs péchés. Dès le début de son ministère publique, Jésus signifie sa fin. Avec lui, l’heure effective de la rédemption a sonné. C’est vers lui que, pour leur salut, les pécheurs doivent se tourner. Si Jésus est silencieux, le ciel ne l’est pas. Il s’ouvre et l’Esprit de Dieu descend sur Jésus sous la forme d’une colombe. Puis, le Père fait entendre sa voix. Il rend témoignage au Fils, l’objet de son affection et de son plaisir éternels. Ce double témoignage va désormais accompagner Jésus. Il est la raison du caractère si singulier de toute sa vie. Les hommes n’ont plus à chercher où se trouve leur Messie. Il est ici. Il est celui qui porte les marques de la présence et de la puissance de Dieu. Car personne ne peut faire ce que Jésus fera si Dieu n’est avec lui.

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