mercredi 12 octobre 2022

CHAPITRE 5

 

V 1 à 12 : les béatitudes

La popularité de Jésus grandissant, des foules se mirent à le suivre. Parmi elles, se trouvaient les disciples en devenir de Jésus. Il était du devoir de Jésus de les instruire. Les prodiges que Jésus accomplissait témoignaient de la venue du royaume de Dieu. Mais la philosophie de ce royaume, ses principes, n’étaient pas encore connus. C’était l’heure pour Jésus de les révéler. Le Maître s’assit sur le flanc d’une montagne pour enseigner. Il débuta son discours par huit promesses de bonheur destinées à huit catégories de personnes : les béatitudes.

1ère béatitude : cible : les pauvres en esprit

Les premiers que Jésus déclare heureux sont les pauvres en esprit. Ils sont les humbles sans prétention. Les pauvres en esprit sont ceux qui sont conscients de leur dénuement spirituel et moral devant Dieu. Parce qu’ils se connaissent, ils savent qu’ils ne peuvent rien présenter à Dieu qui puisse attirer sa faveur. Ils sont candidats à la grâce. Leur richesse ne se trouvent pas en eux-mêmes. Ils doivent la recevoir tout entière de la bonté de Dieu. Jésus le dit : les portes du royaume des cieux leur sont grandes ouvertes. L’humilité, qui procède d’une juste vision de soi par rapport à Dieu, est la condition première de l’entrée dans le royaume. Elle est le prélude nécessaire à la foi. Que celui qui ne trouve pas accès à l’entrée du royaume s’interroge ! Qui est-il ? Que pense-t-il de lui ? Ne manque-t-il pas d’humilité, de réalisme à son sujet ?

2ème béatitude : cible : les affligés

La 2ème béatitude de Jésus exprime une antinomie. Elle désigne comme heureux ceux qui pleurent. Elle cible ainsi les âmes qui, ici-bas, ne trouvent ni en elles-mêmes, ni autour d’elles la paix et le bonheur auxquels elles aspirent. Les affligés de ce monde peuvent l’être pour de nombreuses raisons : deuil, souffrance, guerre, injustices… Quelle que soit l’affliction qui nous atteint, elle a toujours son origine dans le péché. A cause de sa présence en nous, chacun sait qu’il a plus de sujets de se lamenter pour ce qu’il est qu’en raison des autres. A ceux qui, ici-bas, ne peuvent se réjouir, Jésus offre une espérance. Un royaume est préparé où il n’y a plus ni chagrin, ni deuil, ni douleur. Une consolation leur est offerte par la foi dans l’Evangile. Au bout de leur chemin, le Dieu de toute consolation les accueille pour essuyer les larmes de leurs yeux : Apocalypse 21,4. Dès aujourd’hui, les affligés peuvent relever la tête : le meilleur les attend !

3ème béatitude : cible : les doux (ou débonnaires)

La 3ème béatitude de Jésus exprime une vérité qui est l’exact contraire de ce qui a cours dans ce monde. Ici-bas, chacun le sait, c’est la loi du plus fort qui prévaut. Au cours des siècles, les conquêtes territoriales d’un pays sur un autre se sont toujours faites par les guerres. Les vainqueurs dominent les vaincus et les dépouillent de leurs biens. Si ceux-ci tentent de leur résister, ils les éliminent. Tout cela, promet Jésus, ne durera qu’un temps. Car la terre n’appartient pas aux puissants, mais à Dieu : Psaume 24,1-2. Pour que la paix y règne pour toujours, il faut que sa gérance soit confiée à des êtres exempts de toute violence. Seule une catégorie d’hommes possède cette qualité : les débonnaires. Leur caractère, empreint d’une douceur alliée à une grand bonté, les qualifie pour être les dirigeants sages et paisibles de l’humanité future. Réjouissons-nous de cette espérance ! Quand la fureur des armes de guerre s’éteindra, elle fera place à une ère de paix sans fin. Sous le gouvernement de Dieu et de son Oint, Jésus-Christ, la douceur sera le climat qui règnera partout et en tout lieu.

4ème béatitude : cible : les assoiffés de justice

La 4ème béatitude de Jésus s’adresse à tous ceux qui, exposés à l’injustice, souffrent de voir le mal triompher outrageusement du bien. Si ce monde est un lieu où les droits des pauvres et des faibles sont bafoués, Jésus promet un royaume dans lequel la justice sera appliquée pour tous. Frustrés par les abus dont ils sont l’objet, les assoiffés de justice se muent souvent ici-bas en révolutionnaires. Pour défendre leurs droits, ils n’hésitent pas à utiliser la violence, perpétuant de la sorte le cycle sans fin des victimes d’exactions. La justice pour tous ne peut qu’émaner d’autorités qui soient justes envers tous. Or, c’est ici la promesse que fait Esaïe, le prophète, au sujet du règne du Messie. « Donner à l’empire de l’accroissement, et une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l’affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et à toujours : voilà ce que fera le zèle de l’Eternel des armées : Esaïe 9,7. » Oui ! Au jour où Jésus, le Christ règnera, les habitants du monde apprendront ce qu’est la justice. L’œuvre de la justice sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours : Esaïe 26,17.

5ème béatitude : cible : les disposés à la bonté

La 5ème béatitude de Jésus nous rappelle que nous récoltons dans la vie ce que nous semons. Si nous sommes réputés pour faire preuve de miséricorde et de bienveillance envers les autres, notre prochain agira de même envers nous. Le principe que souligne Jésus ici témoigne que l’attitude de ceux qui nous entourent à notre égard n’est pas le fruit du hasard. Elle procède en grande partie de notre manière d’être vis-à-vis d’eux. La bonne disposition de notre prochain comme sa confiance ne nous sont pas acquises de manière automatique. Elles sont les réponses à un comportement qui a fait ses preuves et a gagné son assentiment. Dieu lui-même, dit David, calque son attitude envers les êtres en rapport avec ce qu’ils démontrent : Psaume 18,26-27. Nous le savons cependant : la véritable bonté n’émane pas du cœur naturel de l’homme. Elle est un fruit de l’Esprit, de la vie de Dieu en nous : Galates 5,22. C’est parce que nous sommes l’objet constant de la miséricorde de Dieu que nous pouvons nous montrer tels envers les autres. Que sa bonté infinie envers nous puisse se refléter dans notre bienveillance envers chacun !

6ème béatitude : cible : les cœurs purs

Rien n’influence autant notre perception spirituelle que l’état de notre cœur. Le cœur est, dans la Parole de Dieu, le centre de la personne humaine. Il inclut, non seulement les sentiments, mais encore la pensée et la volonté. Le cœur pur est un cœur sans tache, sans ombre. Il est semblable à un jour d’été sans nuage. Selon Jésus, l’aveuglement spirituel des humains n’est dû qu’à une seule chose : l’impureté qui souille leurs cœurs. La salissure qui imprègne nos pensées et nos désirs occulte totalement notre vision. Elle obscurcit notre entendement et fausse notre compréhension de la réalité. Aussi, le premier et le plus grand besoin de l’homme se trouve dans la purification de son cœur. Celle-ci n’est possible, dit l’Ecriture, que par le sang de Jésus qui lave le croyant de ses péchés : 1 Corinthiens 6,11. Conférée par la grâce de Dieu, la purification du cœur nécessite un renouvellement quotidien. Elle s’entretient par la confession du péché : 1 Jean 1,7 à 9, et la mise en pratique des préceptes de la Parole de Dieu : Psaume 119,9. Après qu’il eut commis l’adultère, la première prière du roi David fut de demander à Dieu qu’il crée en lui un cœur pur : Psaume 51,12. Que sa demande soit aussi la nôtre chaque jour !

7ème béatitude : cible : les artisans de paix

La 7ème béatitude de Jésus nous révèle le trait dominant des fils de Dieu. Ils sont, à l’image du Fils, des artisans de paix. La 1ère mission de Jésus était de renverser l’inimitié qui existait entre Dieu et l’homme pour établir la paix. Par lui, dit Paul, nous avons la paix avec Dieu : Romains 5,1. De cette paix initiale découle la paix et la réconciliation entre tous. Juifs et non-juifs ne sont plus séparés. Ils forment un seul peuple dans la foi au même rédempteur. « Christ est notre paix, dit Paul, lui qui des deux groupes n’en a fait qu’un et qui a renversé le mur qui les séparait, la haine : Ephésiens 2,14. » A l’image de son Maître, le disciple de Jésus est un faiseur de paix. Il n’aime ni les conflits, ni la division. Il travaillera toujours au rapprochement des êtres par le pardon et la réparation. Les victoires qu’il remporte dans ce domaine peuvent être comptées, comme celle de Jésus, parmi les plus grandes. Soyons, comme Jésus, le Prince de la paix : Esaïe 9,5, des artisans de paix. Ce sera là notre trait de ressemblance le plus fort avec lui !

8ème béatitude : cible : les persécutés pour la justice

La 8ème béatitude proclamée par Jésus est assortie de la même promesse que la 1ère. Le royaume des cieux est aux justes qui souffrent comme aux humbles. Dans le monde impie dans lequel ils vivent, les justes ne doivent pas s’attendre à voir leur aspiration satisfaite. Le bien et la droiture ne seront pas toujours récompensés comme il se doit. Au contraire, il se peut qu’ils attirent nombre d’ennuis à ceux qui les pratiquent. Aussi, ce n’est pas dans la reconnaissance des hommes que le juste trouve sa consolation, mais dans celle de Dieu. Le juste peut être méprisé, vilipendé, emprisonné et même martyrisé ici-bas, à cause de son attachement à la justice. Il peut cependant être heureux, car les portes du royaume céleste lui seront, à cause de sa intégrité, largement ouvertes. Que le juste ne craigne donc pas la colère des hommes. Qu’il continue à vivre sous le regard de Dieu, dans la crainte de son nom. La couronne de justice lui est réservée. Le Seigneur, le juste juge, la lui remettra au jour de sa venue, ainsi qu’à tous ceux qui auront attendu avec amour sa venue : 2 Timothée 4,8.

9ème béatitude : cible : les persécutés à cause de Jésus

La 9ème béatitude de Jésus cible ouvertement ses disciples. Elle a pour objet de les armer face à l’hostilité inévitable à laquelle ils devront faire face. Tout comme il en fut pour leur Maître, les disciples de Jésus ne doivent pas espérer être bien vus par le milieu dans lequel ils vivent. Les vertus qu’ils reflètent, leur attachement à Dieu, à la vérité, la justice font qu’ils sont insupportables à la conscience de beaucoup. Les disciples de Jésus sont partout comme une épine dans le pied de Satan, le prince de ce monde. Sa haine envers eux est la même que celle qu’il a montré envers lui. Selon Jésus, ses disciples doivent s’attendre ici-bas à trois types de réactions violentes à leur encontre. La 1ère est l’insulte. L’insulte vise un objectif : celui de blesser, d’offenser ou d’outrager. Elle cherche à vexer et provoquer la colère de celui qui en est la cible. La seconde est la persécution. Il s’agit ici de faire taire par la pression les témoins de Jésus. La persécution s’exprime par la discrimination, l’emprisonnement, la violence, les arrêts injustes, la pression administrative, la traque, la torture et le martyr. Tout disciple de Jésus doit s’y préparer. La dernière passe par la calomnie et le mensonge. Toutes sortes d’accusations fausses ont été, de tout temps, lancées contre les chrétiens. Nous ne devons pas nous étonner si c’est encore le cas pour nous. Dans de nombreux pays, accueillir Jésus, c’est inviter la persécution. Face à l’inimitié dont il est l’objet, le disciple de Jésus ne doit pas chercher à défendre ses droits. S’ils finissent par être reconnus, tant mieux pour lui ! Sa vraie consolation, dit Jésus, se trouve dans la grande récompense qui l’attend dans le ciel. Pour ce qui concerne son sort ici-bas, il peut être fier de ce qui lui arrive. Le fait qu’il souffre pour le nom de Jésus le range dans le cortège des nombreux témoins du passé, tels les prophètes, qui ont connu le même sort. Heureux sommes-nous si nous vivons en paix ! Mais plus encore si nous souffrons à cause de Jésus ! La gratification qui nous attend dans le royaume vaut pour nous plus que tous les trophées que le monde pourrait nous offrir !

V 13 à 16 : fonction des disciples ici-bas

Quelle est la fonction des disciples de Jésus ici-bas ? Pour l’illustrer, Jésus utilise deux métaphores qui font référence à des réalités connues et usitées par tous dans la vie quotidienne :

1.        Le sel

Le sel est un ingrédient indispensable en cuisine. Son office principal est de relever la saveur des mets sur lesquels il est versé. Le pouvoir de salaison qui émane de lui est si puissant qu’il doit être répandu avec mesure. Il ne suffit que peu de sel pour rehausser le goût d’un plat. Le sel n’est pas fait pour rester dans un pot. Il ne donne la pleine mesure de sa capacité d’influence que mélangé avec les aliments qu’il agrémente. Le sel se dissout alors. Il n’est plus visible, mais sa trace se retrouve dans chaque bouchée de nourriture ingurgitée.

L’image du sel, utilisée par Jésus, offre de nombreuses applications signifiantes de la mission de ses disciples sur terre. La 1ère consiste à pénétrer le monde pour l’influencer de l’intérieur. Les disciples de Jésus ne sont plus du monde. Renouvelés par l’Esprit, ils sont distincts dans leur nature du reste des hommes. Pour autant, ils ne sont pas appelés à s’isoler de la société, mais à y vivre pour y apporter la saveur du royaume de Dieu. Comme le sel sur un plat, les disciples de Christ ne sont pas majoritaires en nombre. L’objectif n’est pas la concentration, mais la dispersion. Le sel doit être présent partout pour donner au plat une saveur égale. Comme le sel, les disciples de Jésus doivent être dissouts dans la société pour l’influencer. Ils doivent, en quelque sorte, mourir à eux-mêmes pour que la vie qui les habite contamine les autres. « Ainsi, la mort agit en nous, et la vie agit en vous, dira Paul : 2 Corinthiens 4,12. »

Si utile soit le sel, Jésus prévient du sort qui lui est réservé s’il se dégénère. Le sel qui perd sa saveur ne sert plus à rien. Il est alors jeté, piétiné, traité comme rien. L’avertissement de Jésus est solennel. S’il veut servir au royaume de Dieu, le disciple de Jésus se doit de veiller à la qualité de sa relation avec Dieu. « Notre façon de vivre, nos propos, notre attitude, notre style de vie, nos agissements, tout cela est générateur de conséquences positives ou négatives pour notre entourage… Ou bien nous sommes des gens dont la saveur et l’action puissante ont un impact sur notre génération, ou bien nous manquons de force et, seule une influence négative, destructrice, se dégage de nous.[1] » Ma vie a-t-elle toujours la saveur du royaume de Dieu ?

2.       La lumière

La seconde métaphore de Jésus identifie la fonction de ses disciples dans le monde à la sienne, lors de sa venue. « Je suis la lumière du monde, avait affirmé Jésus. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie : Jean 8,12. » L’image utilisée ici par le Maître sous-entend plusieurs réalités. La 1ère est que l’humanité à laquelle participe les disciples est toute entière dans la nuit. Le péché a obscurci l’entendement des êtres. Tels des aveugles, ils errent dans le monde, égarés et égarant les autres. Le rôle premier des disciples de Jésus est d’éclairer l’humanité, de lui donner la compréhension de la vérité. Les êtres humains ont besoin de savoir d’où vient la situation dans laquelle ils sont plongés. Elle procède de la rupture originelle avec Dieu. Ils ont ensuite besoin de comprendre comment cette relation rompue peut, par Jésus-Christ, être rétablie.

Ensemble, les disciples de Jésus peuvent faire rayonner la lumière divine. C’est la seconde application de l’image donnée ici par le Seigneur. La joie qui les habite, les certitudes qu’ils possèdent ont pour objet d’attirer les pécheurs à lui. La communauté chrétienne est une communauté réconciliée avec Dieu. Elle jouit de sa présence et de sa communion. Elle est comme une ville éclairée située sur une montagne, visible de loin, qui invite les pèlerins à s’approcher. Telle était la puissance d’attraction de l’Eglise des premiers jours qui, dit Luc, avait la faveur de tout le peuple : Actes 2,47.

La dernière application souligne la condition indispensable au rayonnement du corps des disciples. La lumière qui brille en lui ne doit pas être cachée. Elle doit rayonner devant les hommes. Le disciple de Jésus qui a honte de son Maître faillit à sa mission. Celui qui s’attribue le mérite de ce qu’il est devenu, sans témoigner de qui il tient sa vie, le trahit. La belle et nouvelle manière d’être et d’agir des disciples dans la société n’est pas le fruit de leurs efforts. Elle procède de la vie nouvelle reçue par Christ d’en-haut. Elle est une lumière dans le monde qui apporte la vie, indique la voie à suivre et témoigne de ce qui est vrai, juste et bon. Béni soit le jour où des nations marcheront à sa lumière, et des rois à la clarté de ses rayons : Esaïe 60,3.

V 17 à 47 : Christ et la loi

But de la révélation, Jésus n’est pas déconnecté, mais relié à tout ce qui l’a précédé. Le temps de sa venue ne surgit pas au hasard. Il est la réalisation de l’attente messianique qui a traversé les siècles et façonné l’histoire d’Israël. Avant Jésus, Dieu a parlé à plusieurs reprises et de plusieurs manières aux pères de la nation élue : Hébreux 1,1. Il a choisi Abraham, donné sa loi à Moïse et préparé le peuple à la venue de son Sauveur par les prophètes. Jésus présent, la question se pose : quelle valeur ont les ordonnances énoncées dans le passé ? La venue de Jésus les rend-t-elles caduques ? La foule juive qui se tient devant lui a besoin de réponses. Car d’elles dépend désormais l’identité spirituelle du peuple de Dieu.

a.       la loi subsiste : v 17 à 20

A propos de la loi, Jésus prévient ses auditeurs d’une idée fausse liée à sa présence. Sa venue n’abolit pas et ne rend pas caduque la loi. Donnée par Dieu, la loi reste la norme morale par laquelle il évalue le comportement des hommes. Ses exigences ne sont en rien amoindries. Jésus n’est pas venu pour supprimer la loi, mais l’accomplir. Jusqu’à Jésus, aucun homme n’a été en mesure d’obéir parfaitement aux ordonnances de la loi. Tous ont péché et ont transgressé ses commandements. En Jésus, la loi est pleinement satisfaite. Dieu est aimé par Jésus de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toute sa force, et son prochain plus que lui-même. La justice et l’obéissance de Jésus seront sans faille, condition nécessaire à sa mission salvatrice.

Si la mission des disciples consiste à proclamer l’Evangile, l’enseignement de la loi ne doit pas pour autant être mis de côté. Aussi longtemps que le monde durera, la loi reste, jusque dans ses moindres mots, en vigueur. La loi n’est pas faite pour le juste, dit Paul, mais pour les méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs : 1 Timothée 1,19. Elle demeure ainsi le meilleur outil par lequel l’homme prend conscience de sa condamnation devant Dieu. La loi, ajoute Paul, est comme un précepteur qui nous conduit vers le Christ : Galates 3,24-25. Accusé et accablé par la loi, le pécheur se met en quête d’une justice qui ne dépend pas de lui. Il la trouve en Christ qui, par sa mort, souffre pour lui et le libère de la sanction que réclame la loi.

Justifiés par le sang versé par Jésus, les disciples n’ont plus à craindre les terreurs de la loi. La loi peut désormais leur servir de guide vers une vie sainte. Elle n’est plus là pour les condamner, mais pour les éclairer et les accompagner dans leur marche avec leur Maître. « Combien j’aime ta loi, disait déjà David, inspiré, elle est tout le jour l’objet de ma méditation : Psaume 119,97. » Au fil du temps et selon les pays, les normes qui définissent ce qui est bien et mal varient. Il n’en est rien pour les disciples de Jésus. Constamment, ils doivent s’appliquer à faire connaître à leurs frères les exigences de Dieu pour une vie sainte. L’obéissance à laquelle ils sont appelés ne s’arrête pas à la forme, comme celle dont font preuve trop souvent les religieux de l’époque de Jésus. Elle lui est supérieure, parce que motivée à l’intérieur par l’amour, seul air qui est respirée dans le royaume des cieux. « Que les préceptes de ta loi fassent mes délices, ô Dieu, pour que ma vie avec toi soit un parfum qui te soit agréable ! »

b.       la loi et l’esprit de la loi

1er exemple : le 5ème commandement : v 21 à 26

L’énoncé du 5ème commandement de la loi se limite à proscrire le meurtre. Quiconque devient meurtrier est passible du jugement. L’acte de tuer une personne ne se produit pas cependant d’un coup. Il est précédé de sentiments nourris de rancœur et de colère qui y aboutissent. Or, le but de la loi, dont fait partie le 5ème commandement, n’est pas seulement que les membres du peuple de Dieu ne commettent pas de meurtre, mais qu’ils aiment leur prochain comme eux-mêmes. Pour que la loi soit satisfaite, il faut que tout ce qui, dans le cœur du croyant, engendre la haine qui conduit au meurtre soit condamné au même titre que l’acte. C’est alors seulement que la loi est accomplie.

Jésus étend donc la portée du commandement de la loi à tout ce qui, en amont, mène au mal qu’il condamne. Le croyant ne doit jamais se satisfaire de ne pas être un meurtrier. Il doit saisir que la colère injustifiée qu’il ressent à l’égard de son frère est de la même nature que le meurtre. Elle en est la source et, aux yeux de Dieu, elle est passible de la même sanction. Le crime contre son frère nécessite l’emploi d’une arme tranchante. Jésus considère que les insultes, les paroles haineuses et blessantes sont à ranger dans la même catégorie que celle-ci. Sans verser le sang, la langue possède un pouvoir mortel au même titre qu’une épée ou un poignard : cf Proverbes 18,21. Les mots injurieux méritent à celui qui les utilise contre son frère le feu de l’enfer.

Que faire donc lorsqu’une animosité grandissante s’installe dans le cœur contre un frère ? Il faut en faire une priorité et la régler. La réconciliation, l’apaisement des relations tendues entre frères doit prendre le pas sur tout autre exercice de piété. Il ne sert à rien, dit Jésus, de vouloir apporter à Dieu une offrande si, dans notre cœur, nous avons du ressentiment contre un frère. Mieux vaut laisser là notre obole et nous réconcilier avec lui. La démarche sera reçue par Dieu comme un parfum de meilleure odeur que notre don. Tant que l’heure du jugement de Dieu n’est pas venue, nous devons tout faire pour payer nos dettes envers nos frères. Là où nous avons manqué, nous devons reconnaître notre faute et, si c’est possible, la réparer. Car la dette que nous avons envers les autres est aussi une dette que nous avons à l’égard de Dieu qui nous en demandera compte.

2ème exemple : le 6ème commandement : v 27 à 32

La même logique que celle qui vient d’être énoncée s’applique au 6ème commandement de la loi. L’objet essentiel de la loi est de sanctionner des actes qui sont contraires à l’amour. Dans le cadre du mariage, tout mari, toute épouse qui commet une infidélité envers son conjoint, tombe sous le coup du jugement de la loi. L’acte sexuel coupable ne se produit pas inopinément. Il est lui aussi l’aboutissement d’un processus qui inclut des regards, des gestes tactiles qui indiquent une intention. « Chacun, dit Jacques, est tenté quand il est attiré et entraîné par ses propres désirs. Puis le désir, lorsqu’il est encouragé, donné naissance au péché : Jacques 1,15. » Si donc le disciple de Jésus ne veut pas tomber dans l’adultère, il lui faut combattre le mal à la racine. Il lui faut considérer que celui-ci ne se commet pas seulement dans un lit, mais encore dans ses yeux et ses pensées, au moment même où il convoite dans son cœur une autre femme que la sienne.

Quelle mesure prendre pour traiter le problème ? Jésus n’y va pas par 4 chemins. Il faut être radical et intraitable avec soi. L’œil et la main sont les deux organes impliqués dans le péché de l’adultère. C’est à leur niveau qu’il faut agir pour enrayer la mécanique qui conduit à la chute. S’il n’est pas possible de les subjuguer, Jésus préconise leur amputation. Mieux vaut, dit-il, subir la perte d’un membre du corps que de voir celui-ci jeté tout entier dans le feu de la géhenne. La parole de Jésus est, bien sûr, métaphorique. Elle suggère l’idée que nous ne devons avoir aucune complaisance envers ce qui nourrit le désir mauvais. Il se peut que, pour certains, nous soyons taxés d’extrémistes dans les mesures auto disciplinaires que nous nous imposons. Peu importe ! Nous savons pourquoi nous le faisons. Nous ne connaissons que trop bien la facilité avec laquelle nous cédons à la tentation. Nous refusons donc tout ce qui nourrit et ouvre la porte à la perversité de notre imagination. Nous visons à être comme Job qui avait fait un pacte aves ses yeux pour ne pas arrêter ses regards sur une vierge : Job 31,1. Seul, nous ne le pouvons ! Mais c’est vers cette perfection que Jésus veut nous conduire ! Collaborons-nous avec lui ?

L’application du 6ème commandement de la loi, qui condamne toute infidélité entre conjoints, oblige Jésus à aborder un sujet devenu un fait de société à son époque : le divorce. Le divorce est la rupture du contrat de mariage qui liait les époux entre eux jusqu’à ce que la mort les sépare. La loi de Moïse l’autorisait pour une seule raison : le cas où, après s’être marié, le mari découvrait chez sa femme quelque chose de honteux qu’elle lui aurait caché : Deutéronome 24,1. Le texte mosaïque ne précise pas ce que l’expression entend. Ce silence biblique a pu donner lieu à bien des interprétations et des excès. Aussi, Jésus tient-il à préciser les choses. Dans le cadre de la loi d’amour de Dieu, le divorce n’est permis que pour cause d’infidélité. Lorsqu’un des conjoints trompe l’autre, il rompt dans les faits l’engagement qu’il a pris devant tous envers son vis-à-vis. Celui-ci n’est, dès lors, plus tenu, de respecter le sien. Le divorce peut être prononcé et le mariage dissous. Mais en-dehors de ce cas, toute séparation illégitime expose le conjoint renvoyé à l’adultère. Et, dit Jésus, toute personne qui épouse une femme divorcée sur cette base commet un adultère. L’objectif de Jésus n’est pas ici de condamner. Il est de donner à ses disciples la haute idée qu’il se fait de l’application de la loi d’amour de Dieu. Le disciple de Jésus n’est pas appelé à se conformer à ce qui se pratique autour de lui. Il est de viser à refléter le parfait dans sa relation avec Dieu et les autres, son conjoint en premier. Que, dans nos cœurs, nous soyons animés de la même motivation !

3ème exemple : la question des serments : v 33 à 37

Le 3ème exemple pris par Jésus se rapporte à plusieurs passages de la Torah. Il est d’abord lié au 3ème commandement de la loi qui stipule que quiconque utilise le nom de Dieu à la légère ne restera pas impuni : Exode 20,7. Le nom de Dieu représente toute sa personne. Aussi ne doit-il être mêlé aux affaires des hommes qu’avec intelligence et extrême prudence. La parole citée par Jésus englobe également l’idée selon laquelle tout serment prononcé doit l’être en vérité. Jurer faussement par le nom de l’Eternel équivaut à le déshonorer : Lévitique 19,12. Enfin, elle rappelle qu’un serment est un engagement qui lie celui qui le proclame : Nombres 30,3. Qui n’accomplit pas ce qu’il promet devant Dieu commet un péché par omission. Il lui sera demandé compte par Dieu lui-même de son défaut d’intégrité : Deutéronome 23,22.

Le but de la loi est de légiférer sur les actes et les paroles des hommes. Elle est donnée par Dieu comme une nécessité due à l’entrée du péché dans le monde. Or, le but premier de la venue de Jésus est de résoudre la question de ce mal qui a obligé le don de ce cadre qui réglemente la vie sociale des êtres par Dieu. Dans la société idéale que vise Jésus, la parole du citoyen du royaume de Dieu n’a nul besoin d’être appuyée par un serment. Car elle est toujours l’expression de la vérité. Son oui est oui, et son non est non. Il n’y a rien à y ajouter, car sa fiabilité est certaine.

Le disciple de Jésus, habité par l’Esprit de vérité, n’a nul besoin de suivre les coutumes des hommes faux qui l’entourent. Ils aiment prendre à témoin de leur engagement des réalités qui les dépassent pour attester de leur bonne foi, sans saisir la portée de ce à quoi ils se lient. Le ciel qu’ils invoquent, rappelle Jésus, est le trône de Dieu. Seraient-ils capables de tenir les mêmes propos s’ils se trouvaient face à lui ? La terre par laquelle ils jurent est son marchepied. Ont-ils notion de la puissance de celui qui l’utilise pour rehausser sa gloire ? Ils en appellent encore à Jérusalem. C’est oublier le grand roi à qui la ville appartient ! Les plus modestes mettent en jeu leur propre tête, comme s’ils avaient un quelconque pouvoir sur elle. Toutes ses pratiques, dit Jésus, respirent le mensonge du Malin. Elles ont l’apparence de la sincérité, mais ne sont que des subterfuges employés pour tromper. Le disciple de Jésus doit s’en dissocier, car ce qu’il dit, toujours, exprime la réalité telle qu’elle se trouve. Que non seulement l’amour, mais encore la vérité, témoigne que nous sommes à Christ !

4ème exemple : la rétribution du mal : v 38 à 42

Le 4ème exemple pris par Jésus concerne la sentence la plus connue de la loi. Elle ordonne que soit appliqué aux auteurs d’une blessure le même dommage qu’ils ont infligé à leurs victimes. Si celles-ci ont perdu un œil ou une dent, un œil ou une dent doit leur être ôté. Les textes de la loi spécifient dans quel cas cet arrêt s’exécute. Le 1er cas concerne une femme enceinte, heurtée malencontreusement lors d’une dispute entre deux hommes. Le choc provoque son accouchement et donne suite à un préjudice physique pour l’enfant. Les responsables du mal occasionné tombe sous le coup de cet article de la loi : Exode 21,22 à 24. La même sanction s’applique au cas de deux autres méfaits : celui d’un homme qui blesse son prochain : Lévitique 24,19, et celui d’un faux témoin qui voulait faire du tort à autrui : Deutéronome 19,16 à 21. Outre le fait qu’elle statue sur la juste rétribution que doit recevoir celui qui cause par violence un tort physique à son prochain, l’ordonnance a aussi pour objet d’être dissuasive. Tout israélite qui entend la loi sait à quoi il doit s’attendre s’il l’enfreint. La compréhension qu’a Jésus de la loi dépasse cependant la prévention du mal et l’énoncé des peines qui y sont attenant. En toutes choses, il vise, dans le cadre du royaume de Dieu, l’excellence. Le mal ne doit pas être seulement sanctionné, mais vaincu. Jésus indique à ses disciples la voie à suivre pour se faire.

Le mal pour exister et se perpétuer a besoin d’une justification. Qui répond au mal par le mal ne fait que nourrir le mal. La meilleure façon de vaincre le mal est de lui apporter une réponse qui sorte de sa catégorie. Jésus préconise donc à ses disciples de répondre au mal par le bien. Au lieu de résister au méchant par la violence, le Maître les invite à répliquer à sa gifle en tendant l’autre joue. La réaction ordonnée par Jésus semble, en apparence, aller dans le sens contraire de la justice. Mais à terme, elle est plus payante. En obligeant l’agresseur à multiplier les actes violents sans une raison qui les légitime, la victime touche ce qui a de plus sensible en lui : sa conscience. Face à cette réaction hors de toute logique, l’assaillant se trouve désarmé. L’aliment qui nourrit sa violence lui étant refusé, il se retrouve seul coupable face à lui-même et son péché.

En vue d’illustrer son enseignement, Jésus évoque deux autres situations. La 1ère concerne la personne à qui l’on veut faire un procès en vue de le dépouiller d’un bien vital. « Cette personne veut ta chemise ! Donne-lui encore ton manteau, conseille Jésus. » Montre-lui, en quelque sorte, où le conduit sa cupidité. Peut-être sera-t-il si honteux et si gêné de sa démarche, que de lui-même il en reviendra. La même réponse s’applique à celui qui veut forcer un autre à quelque chose contre son gré. « Il t’oblige à faire un kilomètre. Fais-en deux avec lui. »  Vainc ton oppresseur en revendiquant ta totale liberté face à ses exigences. Il sera si ridicule à ses propres yeux qu’il en sortira confus. Remarquons que Jésus ne prédit pas avec certitude la réussite de la manœuvre. Il se peut qu’elle échoue. Mais elle a le mérite d’enrayer le cycle sans fin de la violence et du mal. Si le méchant persévère et refuse de désarmer, ce n’est plus à l’homme, mais à Dieu, le Juge, qu’il répondra de ses actes.« C’est à moi qu’appartient la vengeance, c’est moi qui donnerai à chacun ce qu’il mérite, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire, car en agissant ainsi, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête : Proverbes 25,21 ; Romains 12,19-20. »

Jésus conclut l’enseignement qu’il délivre à ses disciples sur ce point par l’énoncé d’un principe, simple à appliquer : v 42. « Donne à celui qui te demande ! ordonne-t-il. » Toute demande que l’on nous adresse sollicite notre engagement. Elle nous oblige à une réponse qui, inévitablement, va nous coûter. Face à elle, il ne nous faut fermer ni notre cœur, ni notre main. Le don gratuit est la caractéristique majeure du royaume de Dieu. Nous témoignons dans ce monde que nous en faisons partie en imitant la conduite de notre Roi à l’égard de ses sujets. N’est-il pas allé jusqu’à donner sa vie pour nous ? « Et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi. » Ne fuis pas le service qu’on te réclame. Il se peut que l’on ne te rende jamais le prêt auquel tu as consenti. Mais là n’est pas la question ! Le Roi attend de toi que tu sois aussi généreux et libéral envers les autres qu’il l’a été envers toi ! Peux-tu lui rembourser un seul bienfait dont il l’a gratifié ? Que Dieu nous donne de déborder de grâce à sa manière envers nous !

5ème exemple : l’attitude envers les ennemis : v 43 à 47

Le dernier exemple pris par Jésus a pour objet de corriger un précepte contradictoire à la loi, enseigné dans certains cercles juifs. Alors que la loi mosaïque enjoignait d’aimer son prochain comme soi-même, il était dit au peuple qu’une telle ordonnance ne s’appliquait pas aux ennemis. Celui-ci ne devait pas être aimé, mais haï. Le commandement de la loi ne devait être suivi que dans le cas de personnes qui entretenaient de bonnes relations entre elles. Jésus dément formellement cette interprétation. Ses disciples sont bel et bien appelés à aimer tous leurs prochains, bien disposés à leur égard ou non. Si cela paraît impossible à l’homme naturel, Jésus rappelle aux siens qu’ils sont plus que cela. Ils sont, comme lui, les fils de leur Père céleste. Ils possèdent une identité et une nature que les autres n'ont pas. L’affinité divine qui les relie à leur Père a le pouvoir de les élever au-dessus des contingences charnelles qui emprisonnent le reste de l’humanité et à réagir envers les méchants comme lui. Chaque jour, en effet, Dieu fait preuve de bonté envers tous, justes comme injustes. Il donne à chacun, sans discrimination, eau, nourriture et tout ce qui est nécessaire à sa subsistance. Le disciple de Jésus n’est pas appelé à vivre ce qui est ordinaire en ce bas-monde, mais ce qui le dépasse. Il doit se trouver dans le peuple de Dieu, des attitudes, des comportements, des réactions qui ne se rencontrent nulle part ailleurs. Or, l’adversité, l’opposition sont le biotope idéal pour les révéler.

De quelle manière pratique le disciple de Jésus démontre-t-il qu’il aime son ennemi ? Le texte nous livre plusieurs recommandations. Il ne doit pas le maudire, mais le bénir[2]. La bénédiction à laquelle il est fait référence est connue des Juifs. Elle est énoncée explicitement dans la loi : Nombres 6,23 à 26. Il doit se soucier, non de lui faire du mal, mais du bien[3]. Le précepte épouse la logique de l’enseignement précédent. Le but est de réveiller la conscience de l’ennemi, de le désarmer et de le conduire à changer d’attitude. Le roi David, à deux reprises, a fait la démonstration de l’efficacité de cet enseignement face au roi Saül qui voulait sa mort : cf 1 Samuel 24 et 26. Jésus invite aussi les siens à prier pour leurs persécuteurs. La récompense céleste qui les attend ne leur sera pas donnée en raison d’actes que les pécheurs sont aussi capables de faire. Elle couronnera une conduite inspirée par le ciel. Que dans toutes nos manières d’être, ô Dieu, se dégage auprès de tous, amis comme ennemis, le parfum de ton royaume.

V 48 : conclusion de Jésus

La conclusion de Jésus souligne le but qu’il vise au travers de l’enseignement qu’il vient de donner sur la loi. Le disciple de Jésus est appelé à tendre vers la perfection, à l’image de son Père céleste qui est parfait. La loi et ses ordonnances ne sont pas une fin en soi, mais un guide vers cet objectif. C’est pourquoi, au-delà de leur formulation, les commandements de la loi sont source d’inspiration pour une manière d’être et de vivre qui ambitionne l’excellence. La loi n’est pas déconnectée de la vie nouvelle que nous avons reçue en Christ. Elle nous a été donnée dans et par le même Esprit. Elle est la lampe qui éclaire notre sentier et nous guide dans notre marche vers Dieu. Nous ne sommes pas appelés à la rejeter, mais à l’aimer et à nous en inspirer. Pour qui les respecte, la récompense est grande : Psaume 19,12.



[1] Vous êtes le sel de la terre : Phillip Keller, Editions LLB

[2] Notons que ce précepte est absent de manuscrit anciens jugés importants

[3] Même remarque que la note précédente

lundi 7 février 2022

CHAPITRE 4

V 1 à 11 : tentation de Jésus dans le désert

Officiellement introduit par Dieu dans son ministère public, Jésus, nouvel Adam, est immédiatement mis à l’épreuve. Il fallait, pour être le sauveur qualifié des hommes, qu’il soit placé dans la condition originelle de leur père. L’Esprit conduisit donc Jésus dans la solitude du désert pour y être tenté par le diable. La tentation à laquelle Jésus est exposé n’est pas de son chef. Elle n’a pas pour but de montrer sa force et de l’en faire sortir en héros. Elle est l’expression de la volonté de Dieu pour lui. Elle a comme objet de manifester sa pleine soumission et dépendance à l’égard de son Père. C’est par l’usage des armes spirituelles que Jésus vaincra, non par la puissance de sa détermination propre. Le lieu où se déroule le combat est caché aux yeux de tous. Jésus est ici livré en spectacle aux anges, mais dissimulé aux regards des hommes. Le combat se livre sous l’arbitrage de Dieu et l’adversaire de Jésus est clairement désigné. Il est le diable, le serpent ancien, le vainqueur de l’Eden. Ce face à face entre Jésus et lui nous rappelle qui est l’ennemi ultime de l’humanité. Si le diable n’est vaincu, il n’y a pas de salut pour elle. Tout le ministère de Jésus s’inscrit désormais dans cette lutte. Apprenons de lui sur la façon de la mener !

Jésus est soumis dans le désert à une condition physique que ne connut pas Adam. Celui-ci, au moment où il fut tenté, était dans un lieu d’abondance où il ne manquait de rien. Il lui suffisait de tendre la main pour se nourrir et se rassasier. Il avait à ses côtés sa femme qui était sa partenaire. Jésus est seul, soumis à l’épreuve du jeûne et de la faim pendant 40 jours et 40 nuits. Il est dans un état de faiblesse physique qui le rend vulnérable. Ses défenses naturelles ne lui sont plus d’aucune aide. C’est lorsque la faim le tenaille que le diable choisit de s’approcher de lui pour le tenter.

1ère tentation

Le diable sait très bien qui est Jésus. Il sait qu’il a face à lui le Fils éternel et unique de Dieu. Il agit pourtant envers lui comme si son identité divine n’était pas certaine. Il le sollicite pour qu’il prouve par un premier miracle qu’il est bien ce qu’il est. Le but de Satan ne correspond en rien cependant à ce qu’il demande à Jésus de prouver. Ce qu’il désire, c’est pousser Jésus à agir de manière autonome vis-à-vis de son Père. Il sait que c’est en cela que réside l’essence même du péché qui, jadis, l’a fait chuter. Il utilise la faiblesse de Jésus comme point d’appui à la pression qu’il exerce sur lui. La première tentation, liée au besoin humain de Jésus de se nourrir, échouera. Jésus n’écoute ni le diable, ni son corps qui le presse de manger au plus vite. Citant une parole du Deutéronome : Deutéronome 8,3, il réaffirme le cadre dans lequel il prend ses décisions. Oui ! Comme les autres humains, Jésus a besoin de pain pour vivre. Mais il y a une autre nourriture plus fondamentale pour lui que les aliments de base. C’est ce que dit Dieu dans sa Parole. Jésus ne fera rien d’autre de sa vie que ce que Dieu lui ordonnera. La fermeté de Jésus ferme la bouche de Satan. Pour autant, il n’abandonne pas le combat.

2ème tentation

Cadre de la 1ère tentation, le désert ne l’est plus pour la seconde. Par un effet de son pouvoir, le diable transporte Jésus à Jérusalem et le place sur le sommet du temple. Bien qu’étrange, cette possibilité qui est donnée à Satan de « manipuler » Jésus de la sorte, reste encadrée par l’Esprit de Dieu. Même si l’apparence pourrait nous le faire croire, Jésus n’est pas ici le jouet du diable. Satan peut agir sur son corps ou sur son imagination, mais il ne peut fléchir son esprit. Pour des raisons que Dieu seul connaît, il arrive que des serviteurs de Dieu soient éprouvés dans leur être au-delà de l’explicable. Traversés par des pensées iniques de toutes sortes, ils sont jetés dans une confusion qui les désoriente. Qu’ils se rassurent ! Le diable n’a pas tout pouvoir sur eux. Il peut troubler et agiter leur être, mais il ne peut le détacher de Dieu. Ce qui est vrai n’est pas ce qui les tourmente, mais ce que Dieu dit qu’ils sont : des fils et des filles de Dieu.

En réponse à sa première proposition, Satan a vu que Jésus s’est défendu par une citation de la Parole de Dieu. Il va donc lui aussi se placer sur ce terrain pour tenter de le faire chuter. Citant une parole du psaume 91 : Psaume 91,11-12, il incite Jésus à se jeter du haut du temple pour faire la démonstration de la protection de Dieu sur sa vie. La mise en scène du diable ne marchera pas. Jésus ne se départira pas de sa façon d’agir. La Parole de Dieu va rester son arme de prédilection pour lui répondre. La mauvaise utilisation que le diable en fait ne la rend pas caduque. La Parole de Dieu est un tel arsenal qu’elle fournit pour chaque situation les défenses appropriées. Elle est la vérité et, en tant que telle, elle a le pouvoir de détruire le mensonge. Satan a voulu monter de toutes pièces une situation artificielle pour tenter Jésus. Il s’est servi de la Parole comme d’un cachet d’authenticité pour certifier la validité de sa proposition. Mais Jésus le reconduit dans le réel. La Parole ne peut se contredire. Si la citation de l’un de ses versets va à contre-sens d’un autre, la faute ne revient pas à l’Ecriture, mais au sens tordu qu’on lui donne. Jésus cite de nouveau le Deutéronome : Deutéronome 6,16, passage antérieur à celui utilisé par le malin, pour fixer le cadre dans lequel la promesse faite dans les psaumes s’applique. Oui ! Dieu protège ses élus. Mais sa protection s’exerce envers ceux qui lui sont dociles, non dans la situation où ils le provoquent. Satan est rusé, mais c’est un mauvais exégète. Une nouvelle fois, Jésus le désarme.

3ème tentation

Il y a une nette graduation dans les propositions que fait le diable à Jésus pour le tenter. Dans la 1ère tentation, Satan utilise la faim que ressent Jésus pour l’inciter à agir de son propre chef pour se nourrir. Il se sert des besoins physiques de Jésus pour le faire chuter. Dans la seconde, le Malin cherche à le pousser à faire un mauvais usage de la Parole de Dieu. Il monte une mise en scène dans laquelle Jésus joue le rôle d’un superman à qui rien de fâcheux n’arrive. Le but est de détourner la faveur dont Jésus est l’objet de la part de son Père pour qu’elle serve à sa propre gloire. Ici, nous passons à un degré nettement supérieur. Satan ayant échoué lors des deux précédentes tentatives, il joue maintenant son va-tout.

De nouveau transporté par le diable, Jésus se retrouve sur une montagne très élevée d’où il jouit d’une vue imprenable. Le site n’est pas choisi au hasard. Il correspond à la position de domination qui est celle du Malin sur le monde. Sous ses pieds s’étalent les royaumes du monde dans leur gloire et leur puissance. Face à Jésus, il en revendique la propriété. Connaissant qui il a face à lui, Satan ne va pas se montrer petit joueur. Il peut exercer son autorité sur tous les empires : si Jésus n’est pas de son côté, il lui manque l’essentiel. Sa décision est prise. Il est prêt, dit-il à Jésus, à lui céder la gestion du monde entier à une condition : que Jésus se prosterne devant lui et l’adore. Nous ne sommes plus ici dans le factice, mais bien dans le réel. Dans son audace, le diable est allé trop loin. Jésus lui ordonne de se retirer sur le champ. Citant à nouveau le Deutéronome : Deutéronome 6,13, Jésus réaffirme à qui revient sa seule allégeance. Le lien d’adoration qui l’unit à son Père n’est ni achetable, ni négociable. Aucun don, aucune cession d’aucune sorte ne saurait rivaliser avec le bonheur de la communion avec Dieu. Les plus hautes propositions du diable sont méprisables en comparaison de la richesse dont le Fils jouit dans son intimité avec le Père.

En proposant à Jésus tout ce qu’il a en échange de son adoration, le diable révèle ce qui est l’enjeu de l’existence de l’humanité. Qui l’humanité va-t-elle adorer ? Vers qui va s’orienter sa fascination, son émerveillement, son admiration la plus haute ? L’être humain n’a pas sa fin en lui-même. Il a été créé pour être un adorateur : cf Jean 4,23. Aussi, parce qu’il est fait pour la passion, ne peut-il faire autrement que d’être subjugué par plus grand que lui. Qui va en être l’objet ? In fine, la tentation à laquelle Jésus est exposée témoigne que celui-ci se résume à un choix entre deux êtres : Dieu ou Satan. Heureux celui dont le cœur aime Dieu par-dessus tout !

La façon avec laquelle Jésus s’est défendu à chaque assaut du diable est didactique pour nous. Elle nous enseigne que, dans le combat spirituel, la Parole de Dieu est notre arme vitale. Elle est, dit Paul, l’épée de l’Esprit : Ephésiens 6,17. « Il est écrit ! » et le diable recule une 1ère fois ; « Il est écrit ! » et le diable recule une seconde fois ; « Il est écrit ! » et le diable se retire.[1] Débarrassé de la compagnie du diable, Jésus fut aussitôt assisté par les anges qui s’empressèrent de le servir. Que firent-ils ? L’Evangile ne nous le dit pas. Sans doute, comme autrefois pour Elie : 1 Rois 19,5, s’occupèrent-ils des besoins immédiats du Seigneur : nourriture, restauration des forces… Ayant passé le test de l’obéissance, Jésus est désormais prêt pour le service. Il n’est pas pour autant quitte avec le diable. Son éloignement n’est que provisoire. Toujours à l’affût, il va guetter les occasions futures favorables pour faire trébucher le Seigneur : Luc 4,13.

V 12 à 16 : Jésus à Capernaüm

Suite à l’arrestation de Jean, Jésus quitta la Judée pour la Galilée. Le choix qui guida le Fils de Dieu n’avait pas pour motif la crainte. La vie de Jésus n’était pas entre ses mains, mais dans celles du Père. Personne n’avait le pouvoir de toucher à un seul de ses cheveux si celui-ci ne le lui permettait. Jésus agît dans la circonstance avec sagesse et intelligence. Le temps viendrait où lui aussi serait arrêté. Pour l’heure, il avait un témoignage à rendre. Et il ne servait à rien, par crânerie, de s’exposer inutilement au danger.

Le déplacement de Jésus en Galilée fut pour ses habitants une faveur divine. La Judée le perdait, mais ce fut, pour la Galilée, un gain considérable. La décision de Jésus ne relevait seulement du bon sens. Elle était la réalisation d’une prophétie d’Esaïe, annonçant la venue de la lumière divine dans ce territoire opaque : Esaïe 8,23 à 9,1. Sans Jésus, le monde est livré aux ténèbres. Par sa présence, tout s’éclaire. Il y a beaucoup à perdre pour l’homme lorsqu’il chasse Jésus du lieu où il se trouve… et beaucoup à recevoir pour ceux qui l’accueillent. Toute l’histoire de l’humanité est là pour en témoigner.

V 17 : le message premier de Jésus

Le message premier de Jésus est, mot pour mot, le même que celui de Jean : Matthieu 3,2. Emprisonné, Jean ne peut plus le proclamer. Mais le passage de relais a eu lieu. Jean sort de la scène pour laisser la place à Jésus qui commence son ministère en reprenant son flambeau. Jean a accompli la mission pour laquelle il a été envoyé. Il n’était pas là pour attirer les regards sur lui, mais pour introduire celui, bien plus grand, qui allait venir après lui : Matthieu 3,11. Le temps où leurs deux ministères se chevauchent ne pouvait durer. Pour que celui de Jésus se développe, il fallait que celui de Jean se restreigne : cf Jean 3,30. Jésus n’a pas poussé Jean pour qu’il lui fasse de la place. Les choses se sont faites par la volonté de Dieu, au moment choisi par lui seul. Jean n’était qu’un instrument humain, missionné pour un temps. Jésus ne joue pas dans la même catégorie que lui. Seigneur et Messie, il possède des serviteurs, mais aucun successeur. Son action, qui débute ici, se poursuit encore aujourd’hui, des siècles après sa venue. Aussi, le message premier dont il est le porteur, est toujours d’actualité. Le royaume des cieux est proche. Il va bientôt s’établir, s’imposer comme la réalité unique et durable. Tout homme sage est appelé à s’y préparer en se repentant de ce qu’il est, de sa conduite et de ses attitudes. Heureux celui qui, aujourd’hui, entend l’appel de Jésus et y répond avec foi et soumission.

V 18 à 22 : rencontre avec les premiers disciples

Après le baptême et sa mise à l’épreuve dans le désert, l’heure est venue pour Jésus d’entrer en mission. Outre la proclamation de l’Evangile, son objectif premier est d’appeler et de choisir les disciples qu’il formera et qui l’accompagneront. Il rencontre les premiers, deux frères, au bord du lac de Galilée : Pierre et André. Jésus les trouve en pleine activité, en train de jeter un filet dans le lac. Il n’a pas besoin de leur expliquer de manière abstraite ce qu’il attend d’eux. Il les appelle à poursuivre leur métier, mais en changeant de cible. Pierre et André, avec lui, ne seront plus pécheurs de poissons, mais d’hommes. L’appel de Jésus eut un effet irrésistible. Il est fort probable qu’avant cette heure, ils aient déjà fait connaissance avec Jésus : cf Jean 1,37 à 42. Aussi, n’hésitent-ils pas. La personne de Jésus leur paraît si fascinante que le suivre vaut mieux que tous les gains que leur procure leur métier. Ils laissent tout en plan et se joignent à lui.

En associant le métier de Pierre et André à leur future vocation, Jésus désigne le ministère qu’il leur réserve. Pierre et André seront des évangélistes. C’est par eux (Pierre en particulier) que Dieu fera entrer de nombreuses âmes dans son royaume. C’était là leur tâche spécifique, celle par laquelle l’œuvre de Dieu commencerait. Les Actes des apôtres confirment la nature du service de Pierre. Il est celui qui, à la Pentecôte, fera entrer par sa prédication 3 000 Israélites dans l’Eglise de Jésus-Christ : Actes 2,31. Plus tard, il sera l’outil de Dieu pour ouvrir la porte du salut aux païens : Actes 10. Que Dieu suscite encore aujourd’hui de nombreux pécheurs d’hommes !

Après Pierre et André, Jésus recrute dans son équipe deux autres frères, Jacques et Jean, fils de Zébédée. Le choix que fait Jésus ici ne relève pas du hasard. Les 4 hommes se connaissent bien. Jacques et Jean sont les associés de Simon : Luc 5,10. Ils avaient l’habitude de collaborer dans une même entreprise. L’équipe formera le socle solide des proches de Jésus. Le ministère des fils de Zébédée est aussi en lien avec l’activité à laquelle ils étaient occupés au moment de l’appel de Jésus. Les deux frères réparaient leurs filets. Ils étaient occupés à un travail minutieux nécessaire et soigné : remettre leurs filets en état. Martyr, Jacques n’aura pas l’occasion de servir longtemps l’Eglise. Il sera mis à mort par Hérode : Actes 12,2. Jean vivra longtemps. Son ministère principal ne sera pas de conduire ou d’enseigner, mais de restaurer. Dans tout le Nouveau Testament, nous trouvons Jean occupé à réparer les brèches en incitant ses frères à la vérité et l’amour. « Ce qui distingue Jean, dans son Evangile, ses épitres ou son Apocalypse, c’est que son fardeau est de ramener les enfants de Dieu à une position qu’ils ont perdue.[1] » Comme Pierre et André, Jacques et Jean durent, à la suite de l’appel de Jésus, tout laisser en plan pour le suivre. La démarche fût affectivement plus coûteuse pour eux. Car, à ce moment, ils travaillaient avec leur père Zébédée. Devenir disciple signifia pour les deux frères donner à Jésus la priorité sur tout et sur tous : une exigence que Jésus formulera clairement plus tard : Luc 14,26. Sommes-nous prêts à suivre Jésus à ce prix ?

V 23 à 25 : Jésus attire les foules

Accompagné de ses premiers disciples, Jésus se mit à parcourir la Galilée, où il s’était établi, pour annoncer la bonne nouvelle du royaume. Il le fit d’abord par l’enseignement, la tâche qu’il considérait comme la principale. Jésus se rendait là où se retrouvaient les Juifs pour leur culte, dans les synagogues, et n’hésitait pas à citer l’Ecriture pour s’appliquer les passages qui parlaient de la venue du Messie : cf Luc 4,14 à 27. La venue du royaume de Dieu correspondait à celle du Christ, et Jésus affirma dès le début l’être. Il le démontra ensuite par les nombreuses guérisons et délivrances qu’il opéra. Aucun mal, aucune infirmité ne résistait à son pouvoir. Aussi, la renommée de Jésus se répandit rapidement au loin. De grandes foules venaient vers lui avec leurs malades, et pas un ne repartait sans être soulagé.

Le commencement du ministère de Jésus témoigne de ce qui le caractérisera jusqu’à la fin. Jésus vient en premier pour enseigner. Mais les Evangiles témoignent que, surtout parmi les lettrés, son discours ne passe pas. Au lieu d’emporter l’adhésion, ses affirmations à son sujet provoquent la colère. Jésus a du succès auprès des foules. Mais la raison tient à ce qu’il leur apporte. Elle est mercantile et intéressée. Au moment où il faudra payer un prix pour le suivre, la multitude s’éloignera. Les réactions des concitoyens de Jésus se retrouvent aujourd’hui. Là où il y a promesse de miracles et de guérisons au nom de Jésus, les salles sont pleines. Mais, pour le reste, la parole de Jésus compte peu. Elle suscite toujours parmi les instruits autant de mépris et de malentendus. Heureux celui qui croit en Jésus pour ce qu’il est !



[1] Qu’en sera-t-il de cet homme ? Watchman Nee


[1] Adolphe Monod : Sermons : Sermons - Monod - Google Livres

dimanche 12 décembre 2021

CHAPITRE 3

 V 1 à 12 : ministère de Jean-Baptiste

a.       Jean-Baptiste : v 1

Peu avant la naissance de Jésus, il s’était produit dans sa proche parenté un autre miracle. La cousine de Marie, Elisabeth, stérile et d’un âge avancé, était mariée à Zacharie, un prêtre. Or, un jour qu’il servait dans le temple du Seigneur, il eut la visite de Gabriel, l’ange de Dieu venu lui annoncer que, sous peu, sa femme serait enceinte. Elisabeth donnerait naissance à un fils qui serait rempli d’Esprit saint dès sa conception. L’ange précisa le nom qui devait lui être donné : Jean. Ce fils serait grand devant le Seigneur. Marchant avec la puissance et l’esprit d’Elie, il devait ramener les cœurs des pères vers les enfants : cf Malachie 3,24, et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. Luc rapporte dans son Evangile ces faits que Matthieu tait : cf Luc 1,5 à 17. Jésus né, le temps est venu pour Jean d’entrer dans son ministère de précurseur du Messie. C’est dans le désert de Judée que, devenu adulte, il va s’adresser à tout Israël.

b.      Le message de Jean : v 2

Le cœur du message de Jean-Baptiste au peuple se résume à une injonction motivée par une raison. Jean appelle le peuple à changer d’attitude, car le royaume des cieux est proche. Jean annonce qu’un temps nouveau arrive de manière imminente. L’accès au royaume des cieux qui, jusque-là, ne relevait que de l’espérance, va devenir une réalité. La prédication de Jean porte en elle-même l’essence de l’Evangile. Elle proclame que la barrière du péché qui séparait les hommes de Dieu va être ôtée. La communion avec Dieu va redevenir possible. Cette bonne nouvelle nécessite cependant une préparation. Elle implique de la part des pécheurs un changement de mentalité et de comportement. Il ne s’agit plus de suivre les penchants de sa nature, mais de manifester volonté et désir de s’aligner à ceux de Dieu. « On t’a fait connaître, disait le prophète Michée, ce qui est bien et ce que l’Eternel demande de toi : c’est que tu mettes en pratique le droit, que tu aimes la bonté et que tu marches humblement avec ton Dieu : Michée 6,8. » Jean-Baptiste va décliner un peu plus loin ce que cet appel implique concrètement au public qui viendra vers lui. Mais le fond du message est le même pour tous. Sans repentance, sans revirement complet de sa façon d’être et d’agir, les portes du royaume des cieux resteront fermées aux pécheurs.

c. Identité spirituelle de Jean : v 3

La venue de Jean, juste avant Jésus, ne relève pas du hasard. Elle est la réalisation de la prophétie d’Esaïe prédisant l’écho d’une voix qui se ferait entendre dans le désert : Esaïe 40,3. La prédiction d’Esaïe inaugure la partie de son livre consacrée au Messie. Elle débute par l’annonce d’une bonne nouvelle pour tout le peuple. Après le temps du châtiment et de l’exil, s’ouvre pour Jérusalem celui de la consolation. Israël a suffisamment payé pour ses fautes. Son péché est expié. Le moment de la restauration est venu. La gloire qui avait quitté le pays du temps d’Ezéchiel va y revenir. Elle sera visible par tous. C’est pourquoi le peuple doit se préparer à l’accueillir. La mission de Jean est d’être celui qui, par ses paroles, disposera les Israélites à le faire.

Matthieu ne cite qu’une partie de la prophétie d’Esaïe consacrée à Jean-Baptiste. Son but est de définir l’ordre de mission qu’il a reçu de Dieu. Luc la reprend entièrement et explique les effets que son message produira dans les cœurs : Luc 3,4 à 6. Par des images tirées de la topographie, il illustre le processus de nivellement auquel aboutit l’œuvre de la repentance. « Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. » Les différences qui séparaient les hommes seront reversées Tous, pour rencontrer le Seigneur, sont mis à égalité. Le misérable est relevé et l’orgueilleux humilié. « Ce qui est tortueux sera redressé et les chemins rocailleux seront aplanis. » L’œuvre de la repentance n’est pas optionnelle, mais primordiale. Elle prépare le chemin du Seigneur. Elle rend opérationnelle son œuvre dans les cœurs. Et il fallait, pour la signifier, que Jean paraisse et précède Jésus.

d. L’apparence de Jean : v 4

Jean n’est pas seulement que par ses paroles le chantre du non-conformisme. Toute sa manière d’être et de vivre le distingue de la masse. Jean vit dans la solitude du désert. Imitation d’Elie, le prophète : 2 Rois 1,8, il est reconnu par sa façon identique de s’habiller. Cet emprunt à la figure israélite emblématique des prophètes n’est pas fortuit. Elle renvoie à la dernière prophétie qui clôt l’Ancien Testament, déjà citée : Malachie 3,23-24. Jésus le dira aux Juifs qui l’écoutaient : « Si vous voulez bien l’accepter, c’est lui l’Elie qui devait venir : Matthieu 11,14. » Du fait de son rôle unique, Jean est, selon les dires de Jésus, le plus grand des hommes. La grandeur de Jean ne se voit ni dans ses tenues, ni dans les lieux qu’il habite : cf Matthieu 11,8 à 11. Elle se trouve dans la hauteur de la mission qui lui a été confié. Ses prédécesseurs dans la foi ont salué et vu de loin le Messie : Hébreux 11,13. Lui le devance de peu. Il n’a plus d’annonce à faire. Il est là pour indiquer qui il est.

Matthieu précise un dernier détail au sujet de Jean : le contenu de ses repas. Jean se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Dans la classification lévitique, les sauterelles étaient considérées comme des animaux purs, propres à la consommation : Lévitique 11,22. Si particulier que soit Jean, il ne faisait rien qui soit condamnable par la loi. Détaché du monde, il se suffisait de peu et témoignait de la vérité de la parole future de Paul : « Si donc, nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira : 1 Timothée 6,8. »

e.       L’impact du ministère de Jean : v 5 et 6

Personnage atypique, Jean attira par sa prédication des foules venues de toute la Judée. Ce n’est pas lui qui allait vers les gens, mais, par un mouvement de l’Esprit de Dieu, eux vers lui. Ce qui se produit avec Jean nous enseigne que, lorsque Dieu agit, les cœurs s’ouvrent à sa Parole. L’œuvre de Dieu n’est jamais le fruit de l’effort de l’homme, de la puissance de la technique ou des moyens qu’il a à sa disposition. Elle réussit parce qu’elle se fait à l’heure de Dieu. Jean est l’antitype même des prédicateurs modernes qui, trop souvent, cherchent à impressionner les foules pour les attirer. Il n’a ni scène, ni musiciens, ni chorale, ni micros, ni jeux de lumière, ni beaux vêtements, ni cohorte d’assistants. Il est seul dans le désert, habillé de façon rustique, porteur d’un message désagréable à entendre. Mais il sert Dieu au temps voulu, rempli de la puissance de l’Esprit.

A l’écoute de Jean, les foules ne parlementent pas. Les pécheurs tombent sur leurs genoux, confessent leurs péchés et, illico, se font baptiser dans le Jourdain. Lorsque l’Esprit de Dieu agit, il n’y a plus de discussion. La seule chose qui préoccupe les âmes est de savoir ce qu’elles doivent faire pour être sauvées : cf Actes 2,37. Qui cherche à négocier avec Dieu n’a pas encore compris dans quelle situation il se trouve. Hormis la repentance, il n’y a aucun terrain d’entente possible entre le Dieu saint et le pécheur. Heureux celui qui le comprend... et qui le vit ! « La tristesse selon Dieu produit une repentance qui conduit au salut et que l’on ne regrette jamais, tandis que la tristesse du monde produit la mort : 2 Corinthiens 7,10. »

Il ne suffisait pas, pour manifester son adhésion au message de Jean, de confesser ses péchés. Les pécheurs qui se repentaient le signifiaient par un engagement précis. Ils se faisaient baptiser par Jean dans les eaux du Jourdain. L’Ecriture ne nous dit pas où Jean a puisé son inspiration pour imposer une telle exigence. Mais le baptême faisait partie intégrante de la mission qu’il a reçue : Jean 1,33. Les évangélistes le décrivent comme un acte prophétique. Il est administré en vue du pardon des péchés : Marc 1,4 ; Luc 3,3. Le baptême d’eau n’est cependant pas une fin en soi. Il prépare le peuple à la venue de Jésus et annonce celui, plus décisif, qu’il initierait : le baptême du Saint-Esprit : Actes 1,5.

f.      Le fruit de la repentance : v 7 à 12

Devenu un phénomène en Israël, Jean n’attira pas à lui que le bas peuple. Un grand nombre de pharisiens et de sadducéens, partis qui formaient l’élite pieuse du pays, vinrent aussi vers lui. Jean, qui les avait côtoyés, les connaissait. Il savait quelle fierté les habitait. Aussi, se devait-il de s’adresser à eux en particulier. Il ne fallait pas que ses visiteurs se méprennent sur son intention. Le baptême qu’il pratiquait n’était pas un rite religieux supplémentaire, à inscrire dans son portefeuille de mérites. Il exigeait une condamnation sans appel de soi, de ses actes et de ses attitudes mauvaises. Jean allait utiliser pour leur parler le seul langage qui convenait : celui de la rudesse. Apprenons de la sagesse et de l’intelligence de Jean.

« Races de vipères… »

Sans précaution aucune, Jean débute sa harangue en signifiant à ses visiteurs leur identité spirituelle. Juifs pieux, ceux-ci se réclamaient d’Abraham, le père de la nation. Ils se prenaient pour l’élite du peuple choisi. Jean détruit leur illusion. Les pharisiens et les sadducéens ne font pas partie de la race élue, mais de celle du serpent. Jean ne sera pas le seul à s’adresser à eux de la sorte, Jésus le suivra plus tard : Jean 8,44. En abordant ses visiteurs sous cet angle, Jean opte pour un message qui vise le cœur du problème qui existe entre eux et Dieu. La repentance n’est pas nécessaire en priorité à cause des œuvres mauvaises qu’ils auraient pu pratiquer. Elle l’est parce que, dans leur nature fondamentale, ils portent les caractéristiques de l’ennemi de Dieu. C’est à cause de ce qu’ils sont que les pharisiens et les sadducéens doivent se repentir, non d’abord pour ce qu’ils font. La parole de Jean vaut pour eux, et pour tous les gens religieux dans le monde. La vraie filiation d’Abraham ne se transmet pas par le sang, mais par la foi et l’esprit qui l’habitaient. En-dehors d’elle, nous sommes tous de la race de la vipère. C’est sur ce point que doit se construire notre discours invitant les hommes à se préparer à recevoir le salut.

« Qui vous a appris à fuir la colère à venir ? »

Après avoir décliné l’identité spirituelle de ses visiteurs, Jean les interpelle par une question tout aussi directe. Le but de Jean est de les sonder sur leur motivation. Qu’est-ce qui pousse les pharisiens et les sadducéens à venir à lui ? Quel sentiment, quelle préoccupation les habite ? Le message que proclame Jean est sans ambigüité. Il appelle chacun à un revirement radical, une rupture totale avec l’être du passé. Est-ce là ce que ses visiteurs veulent signifier en se mêlant à la foule des pécheurs venus de toute la Judée ? Jean en doute. Il perçoit derrière la démarche des religieux une raison qui n’est pas en phase avec la vérité. Les pharisiens et les sadducéens ne sont pas prêts à affronter le jugement de Dieu sur eux. Ils cherchent, une fois de plus, en imitant les pécheurs, à s’en tirer à bon compte. Ils se conforment à l’extérieur à ce qui est demandé par Jean (le baptême), mais, à l’intérieur, ils ne reviennent sur rien. Qu’ils n’espèrent pas ainsi échapper à la colère ! Aucun rite pénitentiel ne saurait remplacer une vraie repentance. Seul celui qui se condamne lui-même échappe à la condamnation de Dieu.

La repentance n’a de sens que si elle est perçue à la lumière du jugement de Dieu. Celui qui regrette le mal qu’il a fait, sans mesurer sa gravité à la lumière de la justice et de la sainteté de Dieu, fait bien, mais pas assez. Car ce que nous devons craindre par-dessus tout n’est pas le préjudice que nous avons fait subir aux autres, mais la colère que Dieu ressent à l’égard du péché. David l’a compris au jour de sa repentance par suite de son adultère. « J’ai péché contre toi, contre toi seul, dira-t-il à Dieu, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux. C’est pourquoi tu es juste dans tes paroles, sans reproche dans ton jugement : Psaume 51,6. » Jésus abondera un peu plus tard dans le sens de Jean : « Moi, je vous dis : tout homme qui se met en colère contre son frère mérite de passer en jugement ; celui qui traite son frère d’imbécile mérite d’être puni par le tribunal, et celui qui le traite de fou mérite d’être puni par le feu de l’enfer : Matthieu 5,22. » Relativiser notre péché est sans nul doute la séduction spirituelle la plus grande !

Produisez donc du fruit qui confirme votre changement d’attitude

La présence des pharisiens et des sadducéens dans la file des pécheurs qui se rendaient chez Jean pour se faire baptiser n’était pas en elle-même une preuve de l’authenticité de leur désir de se repentir. Le cœur de l’homme est si fourbe qu’il peut tout singer, y compris la vraie piété. Il n’y a qu’une seule chose qui puisse attester la véracité d’un changement profond de mentalité : le fruit qui en découle. Qui ne s’éloigne pas de l’iniquité, tout en invoquant le Seigneur, y ajoute un nouveau péché plus grave encore : l’hypocrisie. Les actes nouveaux sont ce qui témoigne le mieux du revirement profond qui s’est opéré en nous. L’application de la repentance diffère selon chaque cas, comme le rapporte Luc : Luc 3,10 à 14. Mais si elle est absente des vies, on a le droit de douter de sa réalité. Ne soyons donc pas trop rapide pour légitimer la démarche d’un homme qui dit se repentir, surtout s’il est religieux. Laissons le temps et les actes nous convaincre de la sincérité de sa conversion. Car, comme le dira Jésus plus loin : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste : Matthieu 7,21. »

Et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour ancêtre !

A l’idée de comparaître devant Dieu pour être jugé, la réaction naturelle de l’être humain est de trouver en soi des éléments qui le rassurent. La fierté des pharisiens et des sadducéens était d’être les descendants physiques d’Abraham, l’élu de Dieu. A cause de ce fait objectif, ils se disaient en eux-mêmes qu’ils n’avaient rien à craindre. Dieu ne pouvait être que bienveillant à leur égard. Tous les êtres religieux pensent, avec des nuances, de la sorte. La fierté de Saul de Tarse, avant qu’il ne rencontre Jésus, reposait sur les mêmes présupposés : Philippiens 3,4 à 6. Pour d’autres, la conviction d’être dans les faits meilleurs que leur voisin impie leur suffit : cf Luc 18,10 à 12. Cette attitude d’autojustification viscérale de l’homme religieux est à l’opposé de l’esprit qui anime celui qui se repent. La repentance se produit au moment même où nous confessons ne plus avoir de terrain sur lequel nous tenir fièrement debout devant Dieu. Le pharisien adopte cette position devant Dieu ; le pécheur, quant à lui n’ose pas même lever les yeux vers le ciel. La différence de comportement tient à une seule chose : ce que chacun se dit à lui-même en cet instant. Quels sont les sentiments qui nous animent lorsque nous nous approchons de Dieu ? Sommes-nous dans l’émerveillement de la grâce dont nous sommes l’objet ? Ou venons-nous devant lui avec l’offrande impure de nos mérites personnels ? De ces attitudes dépend l’accueil qui nous sera réservé !

En effet, je vous déclare que de ces pierres, Dieu peut faire naître des descendants à Abraham

Forts de leur origine, les pharisiens et les sadducéens se pensaient en sécurité face à la colère à venir. Ils sont le peuple élu de Dieu. Le Talmud, auquel ils se référent, n’enseigne-t-il que seuls les païens tomberont au jour du jugement ? Ils n’avaient donc rien à craindre. Jean met ici à bas leur fausse assurance. Bien que descendants d’Abraham, ses visiteurs ont, comme les autres, du souci à se faire face à la justice de Dieu. Ils ne sont prémunis en rien de la condamnation qui pèse sur eux à cause de leurs péchés. La voie de la repentance leur est nécessaire comme à n’importe qui d’autre dans le monde. Pour ce qui est des promesses faites à Abraham au sujet de sa postérité, ils n’ont pas à s’inquiéter. Elles s’accompliront avec ou sans eux. Car Dieu a le pouvoir de susciter des fils au patriarche d’éléments qui paraissent à priori inappropriés pour ce but.

L’histoire donnera raison à Jean. Par Jésus-Christ, des incirconcis de toute nation vont, par la foi, intégrer le peuple de Dieu. Ils seront accueillis comme de vrais fils et filles d’Abraham. Il n’y a plus ici de Juif ou de non-Juif qui compte. « Si vous appartenez à Christ, dit Paul, vous êtes la descendance d’Abraham et vous êtes héritiers conformément à la promesse : Galates 3,28-29. »

Déjà, la hache est mise à la racine des arbres

Si, par Jésus, le salut de Dieu est entré dans le monde, avec lui commence aussi le jugement. Le vieux Siméon l’avait annoncé à Marie : « Cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et à devenir un signe qui provoquera la contradiction : Luc 2,34. » Les pharisiens et les sadducéens étaient des experts dans le paraître. Tous leurs actes extérieurs avaient pour objet de les embellir aux yeux des autres et de les faire passer pour des hommes pieux et justes. Mais, s’ils pouvaient tromper les foules, Dieu n’était pas dupe de la réalité qui les habitait. Telle une hache qui s’attaque à la racine des arbres, le jugement de Dieu ne se porte pas sur les actes, mais sur les motivations qui en sont la cause cachée. A ce propos, Jésus se montrera parfaitement lucide à leur sujet : « Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, leur dira-t-il, parce que vous nettoyez l’extérieur de la coupe et du plat, alors qu’à l’intérieur ils sont pleins du produit de vos vols et de vos excès. Pharisien aveugle ! Nettoie d’abord l’intérieur de la coupe et du plat, afin que l’extérieur aussi devienne pur : Matthieu 23,25-26. » La 1ère mission de Jésus est de faire entrer les élus dans le royaume de Dieu. C’est le côté bienheureux de son mandat. Mais celui-ci a un revers. Ceux qui, par leurs dispositions, sont inaptes à en faire partie, en sont retranchés. « Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il (le vigneron) l’enlève… Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il sèche ; puis on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent : Jean 15,2 et 6. » Il nous faut apprendre à nous juger nous-mêmes à la lumière de la vérité qui est en Jésus. Si nous le faisons, nous évitons à Dieu de le faire pour nous : 1 Corinthiens 11,31.

Tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu

C’est sur la base d’un seul critère de sélection que le jugement de Dieu se fait. Là où il y a la présence de bons fruits, l’arbre est préservé. Là où ils font défaut, il est coupé. Le but de tout horticulteur ou vigneron est de récolter du fruit : Jean 15,1-2. Tout plant qui n’en porte pas, malgré les bons soins de son propriétaire, occupe le terrain inutilement : Luc 13,7. Le fruit est ainsi ce qui donne à l’arbre à la fois sa raison d’être et son identité. C’est par son fruit que l’on reconnaît l’arbre : Matthieu 7,16. Les œuvres de la chair sont faciles à reconnaître, dira Paul : Galates 5,19 à 21. Elles portent toutes la marque de la corruption et de la déchéance humaine. Ce qui procède de l’Esprit est tout autre. C’est une production qui n’a pas sa source en l’homme, mais en Dieu par l’Esprit : Galates 5,22. Il en résulte des œuvres bonnes à la louange de la gloire de Dieu et de sa grâce. Que tout ce qui résulte de ma vie soit un fruit qui confesse ton nom, ô Dieu !

Moi, je vous baptise d’eau en vue de la repentance

Bien que serviteur de Dieu choisi dès sa naissance et précurseur du Messie, Jean exerçait un ministère qui avait ses limites. Il pouvait préparer le peuple à accueillir le Messie par la repentance, mais son mandat s’arrêtait là. Il n’avait ni le pouvoir de le sauver, ni de le régénérer. Cette capacité était du ressort du Christ seul. A l’image de Jean, il est essentiel que chaque serviteur de Dieu ait une juste notion de son identité et de la mission qui lui est confiée. Interrogé sur le premier point par les Juifs venus de Jérusalem pour le questionner à ce sujet, Jean y répondra clairement. Il n’est ni le Messie, ni Elie, ni le prophète, mais la voix annoncée par Esaïe, qui crie dans le désert : Jean 1,19 à 23. Le fait de savoir qui nous sommes et ce pour quoi nous avons été envoyés est salutaire et libérateur. Cette connaissance préserve de bien des écueils. Elle nous évite de prendre la place de l’Esprit de Dieu dans notre service auprès des hommes et nous procure liberté et assurance. Elle nous sauve de la vantardise coupable et de la fausse humilité paralysante. Rien, dans l’œuvre de Dieu, ne remplace le Messie. Mais rien également ne la fait mieux avancer que le serviteur de Dieu qui, à son service, remplit le rôle pour lequel Dieu l’a choisi.

Mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi et je ne suis pas digne de porter ses sandales

Si Jean a conscience des limites inhérentes à son ministère, il sait que celui qui le suit ne sera prisonnier d’aucune impuissance. Sur le plan humain, Jean et Jésus sont cousins. Mais, sur le plan spirituel, Jean sait qu’un gouffre le sépare de Jésus. Aussi utile puisse être Jean pour l’œuvre de Dieu, ce qui est capital ne se fera que par Jésus. Malgré l’importance qu’a Jean dans le plan de Dieu, il le sait, il n’en est pas la pièce maîtresse : c’est Jésus. Jésus rendra un jour honneur à Jean disant que, parmi les hommes qui sont nés de femmes, il n’en a pas paru de plus grand que Jean : Matthieu 11,11. L’avis de Jean sur Jésus nous est donné ici. Jésus est pour Jean une personne d’une telle hauteur qu’il n’est pas digne de porter ses sandales. L’humilité de Jean à l’égard de Jésus n’est pas feinte. Elle procède d’une vision juste de la réalité. Jean sait qui il est et sait qui est Jésus par rapport à lui. L’humilité est compagne de la vérité. Après s’être mesuré à Jésus, Jean nous dit ensuite pour quelle raison précise celui-ci le dépasse.

Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu

Rien ne fait mieux percevoir la différence de nature qui sépare Jean de Jésus que l’œuvre particulière que celui-ci introduira par sa venue. Jean baptise d’eau, mais Jésus baptisera les hommes d’Esprit-Saint et de feu. Jean peut plonger un corps humain dans l’eau. Seul Jésus a le pouvoir d’immerger une âme dans la vie même de Dieu. Le baptême que Jésus initie dépasse les frontières de l’humain. Il est une opération divine qui fait entrer de plein pied celui qui en bénéficie dans la sphère du royaume de Dieu. Le baptême du Saint-Esprit se produira pour les disciples à la Pentecôte : Actes 1,5. Il est l’acte fondateur de la vie chrétienne, celui par lequel tout commence. Jean précise que le baptême que Jésus pratiquera sera aussi un baptême de feu. Le feu est, dans l’Ecriture, toujours synonyme de jugement. Qui n'est pas baptisé par l’Esprit par Jésus le sera par le feu. Qui que nous soyons dans ce monde, nous ne pourrons échapper aux conséquences de la venue de Jésus. Il sera soit notre Sauveur, soit notre Juge.

Il a sa pelle à la main ; il nettoiera son aire de battage et il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas.

Nous arrivons ici à la conclusion du discours de Jean aux pharisiens et aux sadducéens. La gravité des propos de Jean a pour objet de souligner le caractère critique que revêt la venue de Jésus pour ses auditeurs. Par lui, un tri, une séparation irréversible vont s’opérer parmi les hommes. La venue de Jésus inaugure la grande moisson qui se produira à la fin des temps. En ce jour, les anges, dira Jésus, viendront séparer les méchants d’avec les justes : Matthieu 12,49. Assis sur son trône, le Fils de l’homme séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs. Les uns recevront en héritage le royaume que le Père céleste leur a préparé dès la fondation du monde. Les autres seront jetés dans le feu éternel préparé à l’origine pour le diable et ses anges : cf Matthieu 25,31 à 46. Au vu des conséquences éternelles qu’il entraîne dans la vie de ses auditeurs, le message de Jean est crucial. La repentance est le moment de vérité pour chacun. Il est un carrefour qui l’oriente pour toujours, soit vers une destination bienheureuse, soit vers le malheur éternel. Serais-je avec le bon grain dans le grenier du Seigneur ? Ou avec la paille, voué à la fournaise insatiable ?

V 13 à 17 : baptême de Jésus par Jean

Le discours de Jean aux pharisiens et sadducéens avait un but. Jean voulait que personne, sous prétexte de religiosité, ne se sente à l’aise face à la perspective du jugement de Dieu. Le vernis religieux qui couvrait la vie de ses auditeurs ne tiendrait pas face au feu auquel ils seraient exposés. Il leur fallait être revêtu d’une autre justice que celle dont ils s’habillaient. Destiné à tous les pécheurs, le message de Jean avait comme objet de les enfermer tous dans la désobéissance pour que la grâce soit donnée à tous. Un seul type de personne n’était pas concerné par l’appel à la repentance de Jean : celui qui n’avait aucun péché à confesser. Il n’existait qu’un seul être qui réponde à ce critère, Jésus. Et le voici qui s’approche de Jean pour être baptisé.

La réaction de Jean à la vue de Jésus est immédiate. Jésus n’est pas à sa place. Il n’a rien à faire dans la file des pécheurs qui attendent leur tour pour se faire baptiser. Ce n’est pas lui, Jean, qui doit baptiser Jésus, mais l’inverse. Car, bien que mandaté par Dieu par ce service, Jean ne se situe pas, contrairement à Jésus, hors de la catégorie des fautifs. La demande de Jésus à Jean est un tel contresens que celui-ci ne peut se résoudre à y accéder sans protester. Le Seigneur le rassure. Il sait qui il est et ce qu’il fait. Que Jean soit étonné par sa démarche ne le surprend pas. Il n’a pas fini de l’être. Rien, en effet, dans l’histoire de l’humanité de Jésus n’est conforme à la logique. Quel intérêt pour lui-même un Dieu a-t-il à se faire homme ? Quel gain trouve-t-il à s’assimiler aux pécheurs ? Enfin, quel bienfait retire-t-il à subir à leur place la sentence que méritent leurs forfaits ? Tout est contraire à la raison ! Mais la folie de Dieu est plus sage que les hommes et sa faiblesse plus forte qu’eux : cf 1 Corinthiens 1,25. Jésus ne demande pas à Jean de le comprendre, mais de se soumettre à sa volonté. C’est pour lui ici la meilleure façon de reconnaître sa seigneurie. Imitons-le ! Car Jésus ne se trompe jamais. Tout ce qu’il fait est toujours en accord avec son dessein. La foi consiste à le croire envers et contre toutes les apparences !

Sur l’insistance de Jésus, Jean le baptisa. Il le fit sans que celui-ci n’ait à confesser aucune faute. Innocent, Jésus anticipe ici ce que sera le sommet de sa mission. Il est venu pour s’identifier aux pécheurs et, tel un agneau muet, s’offrir en sacrifice pour leurs péchés. Dès le début de son ministère publique, Jésus signifie sa fin. Avec lui, l’heure effective de la rédemption a sonné. C’est vers lui que, pour leur salut, les pécheurs doivent se tourner. Si Jésus est silencieux, le ciel ne l’est pas. Il s’ouvre et l’Esprit de Dieu descend sur Jésus sous la forme d’une colombe. Puis, le Père fait entendre sa voix. Il rend témoignage au Fils, l’objet de son affection et de son plaisir éternels. Ce double témoignage va désormais accompagner Jésus. Il est la raison du caractère si singulier de toute sa vie. Les hommes n’ont plus à chercher où se trouve leur Messie. Il est ici. Il est celui qui porte les marques de la présence et de la puissance de Dieu. Car personne ne peut faire ce que Jésus fera si Dieu n’est avec lui.